Ordinairement, pour se présenter, les personnes commencent par dire leur prénom. Je n'ai jamais eu de réel prénom, pour la raison que j'ai quitté ce monde beaucoup trop tôt... C'est une histoire douloureuse que je vous raconterais peut-être un jour. Toujours est-il que je suis un garçon, et après ma mort, qui se produisit alors que je n'étais encore qu'un bébé, Dieu m'accueillit au paradis. J'étais devenu un ange... Dieu me donna alors le nom qu'il avait choisi pour moi de toute éternité, et je fus consolé, car si ma mère ne m'avais pas mis au monde, Dieu, lui, m'avais accueillit comme un père, et m'avais donné un nom.

Peu de temps après ma mort, ma mère tomba enceinte d'un autre enfant, sain, qu'elle put porter à terme. Une fille, ma petite soeur. Sarah (c'était le nom que ma mère lui donna) grandit sans ma présence. J'aurais dû être à ses côtés, moi son grand-frère, pour l'aider et la protéger.  Elle ressentait mon absence, sans en être tout à fait consciente. Je le savais car je veillais sur elle depuis les cieux.

Un jour cependant, ma petite soeur était en grande difficulté, Dieu me permis alors de descendre sur la terre, en ayant tout d'un humain. Un peu comme si il me donnait une seconde vie, mais j'appartenais au royaume des cieux, bien que mon coeur battit dans ma poitrine, et que le souffle s'échappât de mes lèvres. J'avais tout d'un humain, mais j'avais les facultés d'un ange. Je pouvais devenir invisible et impalpable, et mes prières pouvaient obtenir la guérison de blessures physiques ou morales, totale ou partielle. Je disposait d'une vitesse de déplacement extrêmement rapide. Dieu m'enjoignit cependant de rester aux côtés de ma soeur, et à ne la quitter qu'en cas de nécéssité. Car, me dit-il, elle court un grand péril sur la terre, et son âme immortelle est menacée, si tu t'éloignes trop d'elle.

Aussi j'acquiesçais respectueusement aux demandes de Dieu, à qui je devais tout. 

Je descendit donc sur la terre. A la seconde même, mes souvenirs sur le fonctionnement du royaume des cieux devirent en douceur assez flous, me laissant seulement la mémoire de ce qui était essentiel pour ma mission.

Une lumière douce m'entourais. Comme un souffle, empreint d'empathie, de tendresse, j'entendis la voix de Dieu qui me prévenait que mes ailes allaient disparaître, pour ne pas être visibles par les mortels, et qu'elles feraient toujours partie de moi, je n'aurais qu'à le désirer pour qu'elles soient aussitôt présentes dans mon dos. Il me prévint également qu'il n'accomplirait pas de miracles pour moi durant mon temps sur la terre, mais que j'obtiendrais seulement par mes prières ce qui était raisonnable et bon. Ce n'est pas dans la nature de Dieu de se manifester de manière spectaculaire, car il se révèlerait alors aux humains, et ceux ci n'auraient alors plus la liberté de croire, ou de ne pas croire en lui. Le murmure doux s'éteignit.

Je le remerciais. Aussitôt, la lumière qui m'environnait disparut, ainsi que mes ailes. Je cessai de flotter au dessus du sol et tombait un peu durement sur la terre à genoux au pieds d'une croix, plantée au bord d'un chemin poussiéreux.

Je tatai mon corps : Dieu m'avait vêtu de vêtements ordinaires, humains.

Je me mis aussitôt en route pour aller rejoindre ma soeur,d'après ce que je savais, elle travaillait en tant que professeur d'art plastique dans une école, Natsuyasumi Academy, car elle était âgée seulement de quelques années de moins que moi, mais elle recherchait un assistant pour les classes nocturnes. Ce n'était pas la première fois qu'elle me voyait, je lui était déjà apparut sous ma forme angélique, au cours de sa vie. Cependant ce doux souvenir était flou pour elle, et si mon visage lui était légèrement familier et lui rappelait étrangement quelque chose d'agréable, elle ne devait pas découvrir que j'étais son frère et un ange, venu lui porter secours, sinon elle voudrait à tout prix me garder sur la terre, et refuserait que je la quitte lorsque le temps en serait venu. De plus elle pourrait aussi chercher à m'interroger sur les secrets des anges, ce qu'il était également préférable d'éviter.

Nous partagerions la même salle pour les cours d'art, mais elle y serait de jour, tandis que j'y serais de nuit. Nous pourrions seulement nous croiser le matin et le soir, et parfois dans la journée, si elle avait exceptionnellement besoin de mon aide. Ma soeur se montra formelle, quoi que gentille, avec moi. Elle m'indiqua que si je désirais lui parler, je n'avais qu'à lui laisser un mot par exemple sur le bureau, et qu'elle le verrait le lendemain. C'est ainsi que débutait mon temps auprès d'elle.