Les rares moments de la journée où je me sens libre : quand je mange le midi, le soir dans ma chambre, ou quand je m’entraîne dans la salle du club. Et c’est de plus en plus souvent, en ce moment. Mais pas dans la salle du club, dans la salle de musique. Au moins, j'y suis tranquille, on ne m'embête pas. Et en cas de souci, on sait où me trouver. Un concours de chant a lieu dans un peu moins d’un mois. Et je vais devoir être parfaite. Irréprochable. Et surtout, je vais devoir gagner. Je commence à être un peu reconnue, je le sais. Je suis à un doigts de percer dans l’arène impitoyable de la célébrité. Mais pour rien au monde je ne laisserai ma place. Je sais que je peux le faire. Ma famille croit en moi. Alors je veux y croire aussi.
Il fait frais dehors. Les cours viennent à peine de finir. Et je n’ai qu’une envie. Chanter. Chanter autant que je le peux. Je frissonne sous la fraîcheur de la brise mais souris en inspirant un grand coup. Ça fait du bien, mine de rien. Je cours. Je sais que dans une demie heure, la salle sera pleine et tout le monde chantera à tue-tête. J’ai besoin de m’entendre. De m’évaluer. Je me connais, je sais être dure avec moi quand il le faut.
Je pose mon sac et ma veste sur une chaise, laissant la porte ouverte, si quelqu'un a besoin de moi, on sait jamais. Mes doigts glissent doucement sur les touches blanches et noires du piano et je souris, mélancolique avant de m’asseoir. Une chanson douce et triste. C’est ce que je veux chanter à ce concours. Et même maintenant. C’est pour ça que j’opte pour une chanson des « Misérables », On my Own, interprété par Eponine dans la version musicale. Je ne branche pas les micros, j’ai besoin du son pur pour juger. Je prends une profonde inspiration. Et je commence à chanter.
On my own
Pretending he’s beside me
All alone,
I walk with him ‘till morning…