La rentrée scolaire n'avait eu lieu qu'un mois auparavant mais pour Amanda qui détestait son travail ça lui paraissait être des siècles. Les vacances de fin d'année scolaire avaient été bien trop courtes, et les vacances d'été étaient encore bien loin... Mais heureusement, il y avait la Golden week ! Bénis soient les Japonais et leur semaine de jours fériés, grâce à eux elle allait pouvoir se détendre et faire un petit break ! Et en parlant de "break", cela faisait bien longtemps que ses beaux jours de voleuse professionnelle étaient passés et, elle n'allait pas se le cacher, ses anciennes activités lui manquaient terriblement. Peut-être que ces quelques jours de congés seraient l'occasion de faire un petit coup ? Un tout petit, juste pour renouer un peu... En plus, il n'y avait aucune chance que ces bouseux ne puisse l'attraper, elle était déjà insaisissable dans les plus riches et plus grands monuments du monde, alors un petit patelin paumé dans la campagne japonaise, vraiment aucun risque ! Elle avait même presque de la peine pour ses futures victimes, comme si elle était une joueuse de très haut niveau qui s'en prenait à des gens qui venaient à peine de débuter sur un jeu en ligne. En réalité c'était tout à fait de ça qu'il s'agissait. Mais Amanda ne s'en soucia que quelques secondes, car elle avait un casse à monter ! Une grande question subsistait cela dit : que voler ? Shisaido étant ce qu'elle était, un repaire fangeux de gueux arriérés, trouver un objet véritablement précieux s'avérerait sans doute être bien plus difficile que le vol en lui-même... Baah, elle finirait bien par trouver ! En attendant, elle savait très bien où commencer à chercher : au centre commercial. De souvenir, il y avait une petite bijouterie assez sympathique. Rien de bien mirobolant, mais elle y avait repéré une rivière de diamants qui s'accorderait très bien à sa robe de cocktail noire...
Avec un sourire inquiétant sur le visage, la professeur de sciences se rendit sur les lieux de son futur crime.

Pour une fin d'après-midi le centre commercial était vraiment bondé, comme l'on pouvait s'y attendre pendant la Golden week, ce qui ne faisait qu'arranger Amanda. Plus la foule était compacte, plus elle passait inaperçu (même si elle était une déesse de beauté au milieu d'un troupeau de babouins). Elle repéra quelques élèves de l'Académie qu'elle préféra éviter (elle voyait déjà ces sales morveux tous les jours à l'école et au pensionnat, elle n'avait pas envie de se les coltiner aussi pendant les vacances) et alla faire un peu de repérage dans les environs de la bijouterie. Elle constata avec un sourire satisfait que la rivière de diamants était toujours bien à sa place, mise en évidence dans son présentoir prestigieux, comme si elle l'appelait et la suppliait : "Amanda, Amanda ! Vole-moi, vole-mooiii !". Ahem. En tous cas, pour une boutique d'un centre commercial de campagne, la sécurité était à première vue plus décente que ce à quoi elle s'était attendue mais rien de problématique. Elle avait déjà réussi haut-la-main des défis bien plus corsés et ce cambriolage ne serait qu'une formalité. Mais une formalité agréable !
Un coup d'œil au travers d'une des grandes fenêtres vitrées du complexe lui indiqua que le soleil commençait à décliner et qu'il serait bientôt temps de rentrer au pensionnat pour se préparer à passer à l'action une fois la nuit tombée. La voleuse se dirigea vers les toilettes des dames pour se remaquiller et préparer le terrain (une de ses techniques consistait à prévoir un espace sur les lieux de ses futurs larcins où elle cachait du matériel d'urgence et où elle pouvait se cacher si jamais sa présence était remarquée), reculant de quelques pas en affichant une expression méfiante lorsqu'elle passa devant les toilettes des hommes dont la porte émettait des bruits suspects, et lorsqu'elle fut sûre d'être seule dans les sanitaires elle commença à mettre en place son stratagème. Une fois la cache installée et les vis fermant la grille du conduit d'aération desserrées (ces fameux conduits lui avaient sauvé la mise plus d'une fois par le passé), elle regarda l'heure sur son téléphone et constata que le complexe fermerait bientôt ses portes. Bien ! Elle n'avait plus qu'à rentrer au pensionnat, enfiler sa combinaison de voleuse, récupérer son matériel et retourner tout à l'heure sur place pour mettre la main sur l'objet de sa convoitise ! L'excitation et l'adrénaline commençaient déjà à affluer dans ses veines à l'idée de s'amuser enfin après des mois et des mois d'ennui ferme à l'Académie.
C'est avec bonne humeur qu'Amanda finit de se repoudrer et se dirigea vers la porte pour quitter les lieux.
Porte qu'elle se prit de plein fouet lorsque la poignée refusa soudainement de s'abaisser. Grommelant en se frottant le nez et insistant sur la poignée capricieuse en fronçant les sourcils, il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que la porte était coincée. Fermée à clé ? Non, elle aurait entendu le cliquetis de la serrure... Juste de la malchance donc. Excellent. Elle continua de forcer, s'appuyant même de tout son poids, l'épaule contre le battant, pour la faire céder, en vain. Avec un soupir exaspéré, la femme fatale recula de quelques pas et décida de renoncer à la discrétion, et un coup de pied retourné aussi brutal que létal plus tard elle retrouva la liberté. Elle épousseta sa jolie veste légère et transparente et sa combi-short affriolante et lâcha un "Hm !" satisfait... avant de se rendre compte que les lumières étaient presque éteintes et que le centre commercial était désert.

- Ooh, c'est pas vrai... Ne me dîtes pas qu'ils ont déjà fermé ?! râla-t-elle à voix haute.

Mais d'où venait cette malchance soudaine ? Si les rideaux de fer étaient baissés et les protocoles de sécurité nocturnes enclenchés, sans son matériel sortir d'ici serait loin d'être une mince affaire et elle avait besoin d'équipement pour mener son coup à bien... Au pire la combinaison n'était pas nécessaire, au vu du niveau de la sécurité et de ses propres compétences elle pourrait réussir à dévaliser la boutique entière même en pyjama, mais elle avait besoin de ses cordes, crochets, brouilleurs etc pour contourner la sécurité de la bijouterie. Et ce n'était pas avec les quelques outils d'urgence qu'elle avait laissé dans les toilettes qu'elle réussirait à pallier ce manque de matériel.
M*ERDE.
Bon, rien ne servait de paniquer, elle pouvait toujours se diriger vers les portes d'entrées. Avec un peu de chance les rideaux de fer ne seraient pas encore fermés, et si un vigile lui tombait dessus elle pourrait pour une fois dire la vérité et avouer qu'elle était restée coincée dans les toilettes et qu'elle avait ainsi raté l'annonce finale de la fermeture. Un petit numéro de charme et elle serait dehors en un clin d'œil ! Enfin, peut-être...
Elle se rendit donc à l'entrée du centre commercial, le claquement rapide des talons hauts de ses sandales chics martelant le sol et emplissant le vaste complexe désert d'un écho régulier un peu inquiétant.
Lorsqu'elle parvint dans les environs de la porte principale dont les rideaux de fer était malheureusement fermés, elle distingua une silhouette et se cacha vivement derrière une grande plante. Un garde ? Non, trop petit... Un enfant perdu ? Peu probable, mais toujours plus crédible. Une fois qu'elle fut sûre qu'il ne s'agissait pas d'un vigile, elle s'approcha et... oh non pas lui. Ooooh non pas lui. De tous les morveux sur lesquels elle aurait pu tomber, il fallait qu'elle tombe sur lui. Le légendaire poissard de Natsuyasumi.
Félicité.
Amanda martela le sol de coups de pieds frustrés. Merde, merde, MERDE !!! Là c'était fini, avec les portes fermées pour de bon et ce porte-poisse de classe légendaire il n'y avait aucune chance pour que son coup ne fonctionne. Et elle savait de quoi elle parlait, comme tout le monde elle avait été au moins une fois victime de la malchance de ce petit merdeux. En tant que professeur de cet énergumène disons qu'elle avait eu son lot de fioles qui explosent, d'appareils qui explosent, de cahiers qui explosent et de tout un tas d'autres trucs qui explosent, de combustions spontanées et autres sinistres auxquels elle n'aurait jamais crû assister un jour. En tous cas, cela expliquait la porte des toilettes coincée et les rideaux de fer baissés. Ainsi que toute l'absurdité de cette situation. Excellent, vraiment, même pendant les vacances il fallait que ces sales gamins lui pourrissent la vie... Mais bon. Comme disait l'adage, "contre mauvaise fortune bon cœur". Amanda décida d'aller aborder le responsable de ses malheurs du jour et voir si elle pouvait en tirer quelque chose. Et au pire, si un vigile pointait le bout de son nez, elle pourrait toujours leur jeter Félicité en pâture et se faire la belle. Oui, ça c'était un bon plan !
La voleuse lâcha un soupire agacé, arrangea ses cheveux et s'avança vers le garçon de sa démarche sensuelle caractéristique.

- Tiens tiens tiens, mais qui avons-nous là...? fit-elle avec un sourire en coin qui ne présageait rien de bon. Monsieur Félicité ! J'imagine que nous nous trouvons tous les deux dans une bien ennuyeuse situation... mais rien d'inhabituel pour toi je suppose, ajouta-t-elle avec une subtile pointe de sarcasme. Je suggère que nous trouvions ensemble un autre moyen de sortir, je n'ai nullement l'envie de passer la nuit dans un tel endroit.

A vrai dire elle devait surtout sortir pour retourner se préparer et également débarrasser l'endroit de toute présence Félicitienne. Si ce sale gosse traînait toujours dans les parages quand elle reviendrait cambrioler la bijouterie il n'y avait aucune chance pour que son casse soit un succès. Si les rumeurs étaient vraies, elle pourrait peut-être même y passer... Et la fin de sa vie, elle la voyait plus dans une villa californienne au bord de l'océan avec plage privée et yacht de luxe que broyée dans un conduit d'aération du centre commercial de Trou-ville-sur-mer. Oui, il allait sérieusement falloir trouver un moyen de sortir d'ici avec ce gamin au plus vite...

Le sourire de parfaite menteuse d'Amanda vacilla subrepticement l'espace d'une seconde à la réponse de Félicité qui pourtant n'étais pas forcément sarcastique. Comment savoir avec ces insupportables morveux, après tout ? Mais le fait était que là ses nerfs étaient déjà mis à rude épreuve et qu'elle ne tolèrerait sans doute pas très bien ce genre de piques dont elle s'amusait d'habitude.

- Tout d'abord, les situations catastrophiques sont ton rayon, pas le mien, je te ferai savoir que mes talents naturels et mes extraordinaires compétences de vol- hrm, professeur de sciences, ne m'ont toujours apporté que gloire et succès.

Enfin, sauf cette fois où elle avait raté son casse dans le labo de ce satané scientifique, échec désastreux qui lui avait valu d'être poursuivie par les services secrets et de finir comme prof dans cette académie de tarés paumée dans la cambrousse nippone... mais bon. C'était pas vraiment sa faute en plus, mais celle de cet abruti de Carter !

- ... Et pour finir, je faisais les boutiques tranquillement, comme toute jeune femme stylée et à la mode telle que moi, et je me suis retrouvée coincée dans les toilettes. Et, "étrangement", ajouta-t-elle en mimant des guillemets avec ses doigts, tu te trouvais dans les parages... Avoue que la coïncidence est... surprenante, asséna-t-elle avec tout le sarcasme du monde.

Amanda croisa les bras et soupira, agacée, avant de prendre une inspiration pour retrouver un semblant de calme et d'assurance.

- Mais quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas en position de jouer à reporter la faute sur l'autre, dit-elle alors qu'elle était la seule à jouer à ce jeu. Et nous n'avons effectivement pas le luxe d'attendre que quelque chose d'autre ne se casse, d'autant plus que cela ne sera certainement pas à notre avantage. Cela dit, fit-elle en retrouvant son sourire en coin de mauvais augure, tu as raison, j'ai bel et bien un plan.

L'ex-voleuse tourna son regard vers une caméra de sécurité dont la lumière rouge clignotante semblait presque la défier. Et Dieu savait qu'Amanda relevait avec le plus grand plaisir chacun des défis à la hauteur qui se présentait sur son chemin... En plus, le plan qui venait de germer dans son esprit lui permettrait également de préparer avec une efficacité imparable son prochain casse. D'une pierre de coup, comme on disait ! Restait à ne pas s'en traîner une, de pierre...
Ses yeux passèrent de la caméra au collégien malchanceux, et son sourire malicieux s'élargit.

- Félicité, réjouis-toi, la grande Amanda Spencer t'emmène en mission ~ ! déclara-t-elle en mettant ses mains sur ses hanches. Sois reconnaissant, être l'acolyte d'une professionnelle comme moi n'est pas donné à tout le monde ! Tu n'es peut-être pas si malchanceux que cela, finalement ~ Allez, suis-moi. Cela te dit quelque chose, le "poste de sécurité" ? De là-bas nous devrions pouvoir trouver les commandes, ou au moins les clés, pour ouvrir le rideau de fer. Tu vas voir, cela va être un jeu d'enfant, fufufu !

Bon, en vérité cela ne serait sûrement pas un jeu d'enfant. Mais la professeur comptait bien faire la partie simple et amusante du travail tout en laissant Félicité faire les tâches ingrates, comme se faufiler dans les conduits crasseux ou même faire le guet. Et comme ça elle pourrait très facilement le jeter en pâture aux vigiles si quelque chose partait en sucette, ce qui, malheureusement, risquait fortement d'arriver avec la bombe à retardement qu'elle se traînait à présent...

Amanda mit ses mains sur ses hanches avec une expression de fierté et un petit sourire suffisant annonciateur de mauvaises nouvelles. Du moins, pour Félicité.

- A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ! La difficulté et le danger sont ce qui rend toute escapade excitante, fufufu ~ ! Et sache que pour les plus malins et les plus habiles, il n'est de porte qui ne puisse être ouverte...

La jeune femme fit quelques pas de sa démarche sensuelle vers un mur hors de vue des caméras, et pointa un de ses doigts parfaitement manucurés en direction d'une bouche d'aération.

- Tu aimes les films d'action, Félicité ? demanda-t-elle avec une touche mélodieuse de mauvaise augure dans la voix. Et bien je vais te donner l'occasion de te sentir comme un véritable espion en mission ! Tu vas te faufiler dans ce conduit, jusqu'à ce que tu arrives au niveau de la salle de sécurité. quand tu y seras, tu n'auras qu'à faire une petite diversion avec ta Singularité, et je me faufilerai dans le dos des vigiles pour prendre les clés. Simple comme bonjour n'est-ce pas ? ajouta-t-elle avec un petit gloussement qui sonnait faux.

Elle avait beau dire, ce ne serait certainement pas aussi simple. A vrai dire, elle aurait sans doute pu réaliser ce petit casse toute seule, mais elle mourrait d'envie d'en faire baver un peu à Félicité, histoire de se venger de cette désastreuse situation dans laquelle il les avait mis tous les deux. Et puis, regarder ce gamin se faire courser par des vigiles en colère serait certainement hilarant. Dans tous les cas, quoi qu'il arrive elle était gagnante ! De toute façon, Amanda ne perdait jamais. Sauf peut-être cette fois-là où elle s'était retrouvée à être victime d'une expérience ratée de cet idiot de Carter et où elle avait été forcée de fuir jusqu'ici pour échapper à la CIA, mais nous éviterons de mentionner ce regrettable incident pour ne pas mettre notre chère professeur de sciences en colère.
Quoi qu'il en soit, elle sortit des outils subtilement cachés dans sa tenue et en quelques secondes la grille de la bouche d'aération était ouverte.

- Allez morv- ahem, Félicité, c'est ton heure de gloire ! C'est parti pour un peu d'exploration, tu vas voir tu vas a-do-rer ! lui lança-t-elle avec un grand sourire outrageusement hypocrite sur un ton qui donnait l'impression qu'elle s'adressait à un enfant en bas-âge ou à un chiot. Et rappelle-toi, quand tu auras trouvé la salle de sécurité, tu feras une belle diversion avec ta Singularité !

A peine avait-elle prononcé ces mots que sa brillante idée ne lui parut plus si brillante soudainement. Avec sa malchance catastrophique, il y avait des chances pour que le gamin ne fasse tout bonnement exploser la salle en question et les vigiles avec. Peut-être que couvrir ses arrières en lui donnant un petit coup de pouce ne serait pas de trop...

- Mmh, tout compte fait attend un peu, dit-elle en prenant un air sérieux.

Avec un soupir agacé, elle sortit les lunettes de Carter de son sac et les glissa sur son nez. Comme à chaque fois qu'elle effectuait ce geste, son esprit sembla soudainement s'ouvrir à un savoir scientifique astronomique, celui de son indésirable invité mental, et elle y piocha une idée qui pourrait leur être utile. Un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres et elle se retourna vers son élève.

- Félicité, tu peux être flatté, ta professeur de sciences préférée va te donner un petit cours particulier de chimie ! Allons voir à la quincaillerie et à la pharmacie, nous y trouverons de quoi confectionner quelques gadgets bien pratiques, fufufu ~ !

Bon, clairement elle n'avait pas en tête de créer des bombes, avec Félicité elles finiraient par leur exploser au visage, mais des fumigènes et autres artifices pourraient sûrement s'avérer utiles ! Et pour une fois, elle se sentait d'humeur pour quelques travaux pratiques...