Les vacances d'été étaient terminées depuis quelques jours déjà, et Lenora était revenue au travail plus motivée et en forme que jamais ! Bon, à vrai dire, le travail ne s'arrêtait jamais vraiment quand on s'appelait Lenora Hillman, et elle avait continué à accomplir son devoir de conseillère principale d'éducation même pendant les jours de congé du mois d'août. Certes, elle avait un peu profité de la chaleur tropicale de l'été japonais certains jours, mais la culpabilité de flâner l'avait à chaque fois vite rattrapée et elle était retournée au pensionnat pour préparer la rentrée de septembre. Et à présent qu'elle y était, elle était tout à fait satisfaite de pouvoir reprendre le boulot sans stress car ayant déjà tout bien arrangé. Elle s'assit donc ce matin-là à son bureau, remonta ses lunettes sur son nez et, avec un sourire motivé, s'attaqua à la pile de dossiers qui trônait quotidiennement à côté de son ordinateur. La chaleur estivale étant toujours bien présente, elle s'était contentée d'un joli chemisier blanc aussi simple que chic et avait laissé tomber la veste de tailleur et les collants. Dehors, le ciel vibrait d'un bleu magnifique et limpide, le soleil brillait de tous ses feux et les éclats de voix enthousiastes des élèves sur les terrains de sport montaient jusqu'à sa fenêtre et la mettaient de bonne humeur. Peut-être que pour une fois elle aurait droit à une journée de travail paisible !
Mais, espérer trouver de la tranquillité à Natsuyasumi était une belle chimère, et cette pensée venait à peine d'effleurer son esprit que les sirènes de sa Singularité se mirent soudainement à hurler dans sa tête et que tous ses muscles se tendirent et se crispèrent. Oui, décidément, une bien belle chimère...
Lenora bondit de sa chaise et piqua son célèbre sprint de la mort jusqu'au lieu du crime, lancée à pleine vitesse par son terrifiant pouvoir. Ce dernier la guida jusqu'à la cour intérieure où, après une arrivée en dérapage contrôlé, elle découvrit Mlle Kamia en train de secouer un garçon comme un sac à patates en le maintenant en l'air la tête en bas grâce à sa queue de serpent. La conseillère principale d'éducation leva les yeux au ciel et se passa une main sur le visage. Décidément, cette petite aimait multiplier les infractions... Quand elle ne la reprenait pas dans les couloirs pour sa tenue fréquemment indécente, elle la surprenait en train de molester ses camarades ! Heureusement que Lenora était de bonne humeur aujourd'hui...

- Mlle Kamia, auriez-vous l'amabilité de m'expliquer ce que vous êtes en train de faire ? Et pour l'amour du ciel, reposez ce pauvre garçon !

Yukari avait tout intérêt à avoir une bonne excuse cette fois si elle voulait réussir à échapper aux foudres de la conseillère passablement agacée... L'excuse tomba dans tous les cas, et elle fut relativement... saugrenue. Lenora ne saisit pas ce que voulait dire l'étudiante du groupe des Monstres, mais cette dernière avait l'air très fier d'elle au lieu de sembler gênée ou intimidée comme d'habitude. Cette étrange réaction fit s'interroger la CPE qui demanda ainsi des explications, disons, plus claires.

- Mais enfin, de quoi parlez-vous ? Comment ça, "sans leurs vêtements" ? Et qu'entendez-vous par "les autres" ? Il va me falloir une bonne explication si vous ne voulez pas vous retrouver illico dans mon bureau, jeune fille !

Même si avoir à dispenser des remontrances en tête-à-tête dans son bureau de si bon matin ne faisait pas du tout partie de ce qui faisait d'une journée une bonne journée, Lenora n'hésiterait pas une seconde à faire son travail si la situation l'exigeait. Et sans une bonne raison de se comporter ainsi, Yukari ne s'en sortirait sans doute pas aussi bien que les fois précédentes...

Lenora arqua un sourcil et croisa les bras, surprise de cette excuse mais également assez méfiante.

- Vous êtes en train de me dire que nous avons un cas de voleurs de... sous-vêtements... ici, à l'Académie ? Se sont des accusations sérieuses, Mlle Kamia, j'espère que vous en êtes consciente, avertit-elle la lamia.

Lenora aurait aimé pouvoir discerner la vérité dans cette histoire au plus vite car elle avait des tas de dossiers qui l'attendaient dans son bureau et elle ne pouvait se permettre de perdre du temps avec des enfantillages, mais malheureusement sa Singularité ne lui serait pas des plus utiles dans cette situation. Le boulot de détective c'était le rayon de sa mère, pas le sien, et même si elle avait de bonnes capacités de déduction la conseillère principale d'éducation n'était pas réellement disposée à jouer les Sherlock Holmes aujourd'hui. Et si cette histoire de vol était un mensonge, elle perdrait encore plus de temps. Toutefois, Lenora accordait toujours le bénéfice du doute aux élèves, mêmes aux éléments perturbateurs comme Yukari, et il était de son devoir de démêler cette affaire et d'éventuellement appliquer des sanctions si besoin.

- Bien, voilà ce que nous allons faire. Tout d'abord vous allez reposer ce garçon, et c'est la dernière fois que je vous le demande, puis nous allons nous rendre aux vestiaires et aviser sur place avec les... victimes. Et j'espère pour vous que ce ne sont pas des histoires, Mlle Kamia, je trouverais fort regrettable de devoir vous expédier dans mon bureau par une si belle journée. Sur ce, suivez-moi. Et vous aussi, fit-elle en se tournant vers le prétendu "coupable" bousculé par Yukari.

Lenora se mit en marche vers le gymnase suivie des deux élèves. Elle était passablement agacée de devoir gérer un cas comme celui-là aujourd'hui, mais d'un autre côté le temps radieux rendait cette petite sortie très agréable. Avec tout le travail qu'elle avait quotidiennement sur les bras et même si elle sortait fréquemment de son bureau pour intervenir avec sa Singularité, la conseillère n'avait que rarement l'occasion de profiter ainsi du campus de l'Académie. C'était dommage, mais elle n'était pas non plus ici pour se promener : la priorité était le travail ! Et en parlant de travail, le trio ne tarda pas à parvenir au vestiaire où, effectivement, les dires de la lamia semblèrent se confirmer lorsque Lenora découvrit un groupe de jeunes filles toujours en tenues de sport ou emmitouflées dans des serviettes après la douche. Après un brève inspiration suivie d'une longue expiration, la conseillère mit ses mains sur ses hanches et s'adressa à tout le monde :

- Bien, j'exige que l'on m'explique ce qu'il s'est passé ici. En détail. Et nous allons commencer par vous deux, ajouta-t-elle en se tournant vers Yukari et le garçon. Je vous préviens, j'ai beaucoup de travail, donc je vous prierai d'être clairs et concis afin que nous puissions démêler cette affaire au plus vite. Et pas de chamailleries.

C'était officiel, l'enquête venait de commencer et ce au plus grand dam de Lenora. Au moins, les quelques trucs que lui avait enseigné sa mère se montreraient enfin utiles...

Lenora, les bras croisés et tapant du pied en un rythme impatient, écouta avec un air suspicieux les fameuses explications de Yukari. La jeune fille semblait se considérer comme la justicière de l'histoire ou même comme une détective professionnelle, ce qui aurait pu amuser Lenora si la situation ne l'avait pas déjà agacée au plus haut point. Quand l'élève eut terminé de relater les faits, la CPE remonta ses lunettes sur son nez et lâcha un profond soupir.

- Bien, je crois que je comprends de quoi il retourne, dit-elle. Et pour la énième fois, lâchez ce garçon ou je vous colle une retenue !

Lenora soupira de nouveau et se tourna vers le reste des élèves afin qu'elles confirment les faits, ce qu'elles firent silencieusement en hochant la tête, intimidées par le regard acéré de la conseillère d'éducation. Bon, au moins Yukari ne mentait vraisemblablement pas... ce qui n'était pas forcément une bonne chose parce que cela signifiait qu'elle allait devoir mener l'enquête pour de bon et perdre du temps sur le traitement de ses dossiers. Mais bon, la justice n'attendait pas, et encore moins le bien-être de ses élèves ! Elle se devait de trouver le coupable, de le réprimander, et de s'assurer que ce genre de délit ne se reproduise pas !
Lenora interrogea donc le fameux suspect brutalisé par Mlle Kamia et il fut évident à son regard fuyant et à son sourire crispé qu'il racontait effectivement des histoires. Un élève qui osait lui mentir en pleine utilisation de sa Singularité, c'était assez rare. Mais il ne suffit que d'un froncement de sourcils glacial pour que le garçon crache le morceau vite fait bien fait. Sans pour autant dénoncer ses camarades, malheureusement.

- Ce genre d'attitude ne va pas arranger votre situation déjà bien épineuse, jeune homme, lui fit remarquer la CPE. Nous reviendrons plus tard sur votre sanction, qui n'en sera que plus sévère si vous persistez à vouloir défendre vos complices. Alors dîtes-moi où vos camarades ont fui et vous vous éviterez peut-être la punition de votre vie.

Le garçon allait ouvrir la bouche, hésitant, quand Yukari intervint en disant qu'elle... "flairait" (?) les autres coupables.

- Bon, et bien j'imagine que nous allons donc devoir remonter la piste nous-mêmes. Mlle Kamia, indiquez-moi où ils sont partis je vous prie. Ah, et n'espérez pas échapper à une sanction, vous êtes également dans de beaux draps je vous rappelle.

Décidément, cette enquête n'allait pas être de tout repos et Lenora pria intérieurement pour ne pas avoir à courir aux quatre coins de l'Académie par cette chaleur...

Dire que Lenora était surprise du comportement pour le moins... inhabituel... de Yukari était un euphémisme, mais après tout l'inhabituel était habituel à l'Académie Natsuyasumi, donc elle se contenta d'arquer un sourcil circonspect en croisant les bras tandis que la lamia... flairait (?) une éventuelle piste. Cette dernière finit par achever son étrange investigation avant de pointer un doigt en direction de la piscine.

- Cette direction, c'est... la piscine ? Très bien, allons voir par là dans ce cas. Vous, suivez-nous, ajouta-t-elle à l'attention du premier coupable sur lequel elles avaient mis la main. Et Mlle Kamia, je vous prierai de ne pas vous montrer vulgaire.

Lenora allait se mettre en marche quand Mlle Kamia lui fit faux bond avant de revenir quelques minutes plus tard sous le regard agacé de la CPE. Décidément cette petite était ingérable et ne cesserait de lui donner du fil à retordre. Ignorant l'intervention de cette dernière auprès de ses camarades et ses commentaires sur son degré d'hydratation, elle demanda sur un ton sévère qui ne souffrait aucune contradiction :

- Bien, si vous avez fini allons-y, j'ai déjà perdu bien assez de temps sur cette affaire et il me reste encore beaucoup de travail.

La CPE se dirigea vers la piscine d'un pas martial, accompagnée des deux fautifs, bien décidée à régler ce cas avec toute l'efficacité et la sévérité dont elle savait faire preuve et surtout aussi vite que possible.
La piscine était un endroit des plus appropriés avec cette chaleur, le voyeurisme lui l'était beaucoup moins. Il n'y avait personne à la piscine pour le moment alors Lenora comptait bien en profiter pour ne pas faire plus de vagues que nécessaire. Dans tous les sens du terme, d'ailleurs. Se dirigeant vers le local, elle ouvrit la porte violemment.

- Bien, que tout le monde cesse immédiatement ses activités quelles qu'elles soient et ce dans le silence ! s'exclama-t-elle, effrayante d'autorité.

Son fameux radar de la justice ne s'était pas déclenché sur le moment, mais ça ne voulait pas dire que les coupables n'étaient pas présents sur les lieux. Et s'ils étaient effectivement dans le local, alors ils auraient des comptes à rendre incessamment sous peu...