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L'androgynie : fascination ou malédiction ?
Robin Windrosen
Robin Windrosen
Sam 11 Sep - 16:00



Robin Windrosen



♫ After all the darkness and sadness, soon comes hapiness. I'm a survivor ♫




















• Identité

Nom : Robin Windrosen
Âge : A peine 752 ans dans son monde d’origine mais en temps humain, cela équivaut à environ 14 étés

Origine/nationalité : Officiellement, sa naissance est enregistrée au Paradis, univers méconnu des autres races mais au moment de sa venue au monde, le royaume se situait au-dessus des cieux majestueux et ensoleillés de la Crête, la plus grandes des îles grecques.
Classe/poste : Avant dernière année du collège, équivalent de la quatrième sur le système scolaire français. Robin a une culture générale largement plus étendue que la moyenne de par son éducation mais ses connaissances du mode de vie humain sont encore limitées. Apprendre la socialisation, entre autres, avec des camarades de son âge a paru bénéfique à sa tutrice et sa marraine. 
Section : Classe diurne
Année d'arrivée : I+4
Club : Tir à l'arc avec demande de bénéficier de la gestion diurne
Singularité : Outre le fait de naître au Paradis, monde des créatures célestes plus couramment nommées « anges »Robin a surtout l’impressionnante particularité d’être androgyne hermaphrodite. Il est impossible de lui certifier un sexe et un genre au premier coup d’œil. Certains et certaines disent que c’est un garçon quand d’autres prétendent qu’une fille se cache évidemment sous cette apparence fluide des plus déroutantes. Comme son prénom est mixte, personne n’arrive à résoudre ce mystère en répondant directement à la question. Aussi, il est possible d’utiliser le masculin et le féminin à son égard. De la même manière, dire le « iel », diminutif du « il » et du « elle »  en un seul mot, n’est absolument pas dérangeant.
Groupe : Monstres
Pensionnaire : Oui
L'androgynie : fascination ou malédiction ?  Ndk2


• Physique

Dans l’immense majorité des légendes mettant en scène des créatures du Paradis, celles-ci sont souvent décrites comme blondes aux yeux bleus mais Robin en est l’exact contraire. Ses cheveux mi-longs sont couleur de l’incendie le plus virulent voletant au vent dans un ensemble manquant légèrement de discipline. Sa peau bronzée naturellement hâlée par le soleil recueille des lèvres fines et délicates toujours étirées en un doux sourire. Ses yeux sont deux merveilles d’eau violacée et dorée dans un ensemble vairon à couper le souffle. Son œil gauche est couleur d’améthyste la plus pure quand le droit se noie sous une rivière d’or. Si de telles teintes sont impossibles sur le plan humain lambda, elles sont exceptionnellement rares parmi les mondes magiques. Dans un hasard presque effrayant, sa naissance lui a conféré non seulement une génétique improbable mais également un regard unique en son genre. D’une taille moyenne, environ 1M75 avec une croissance en dents de scie de par son passé, son corps maigrelet semble plus taillé pour l’agilité et la vitesse que pour la force brute. L’esprit encore hanté par les évènements traumatiques de son enfance, sa corpulence se rapproche dangereusement de l’anorexie avec des côtes presque visibles et une taille de guêpe troublante. Ses pensées tournant essentiellement autour de la danse, l’injonction de garder la ligne commence à grignoter peu à peu son inconscient. Suivant un régime alimentaire végétarien strict depuis son plus jeune âge grâce à ses parents et sa propre passion pour les pas chorégraphiés, ses cinquante kilos tout justes conviennent encore à sa corpulence mais le danger de troubles alimentaires n’est jamais loin. Son poids plume ne l’empêche pas de porter aisément son arc et de tirer ses flèches avec mille habiletés, l’arme se fondant parfaitement entre ses mains. 


Si son apparence est déjà profondément androgyne et porte à confusion sur son appartenance sexuée, sa tenue vestimentaire rajoute encore un flot de mystères. De par sa particularité physique et biologique, le droit d’accorder son uniforme scolaire lui a été exceptionnellement accordé. Pouvant porter le pantalon des garçons comme la jupe des filles, voire les deux ensembles, sa chemise blanche ne donne pas plus d’indices. Coupée en fonction de la morphologie, elle s’adapte à la perfection à ses formes discrètes absolument pas révélatrices de quoi que ce soit. En dehors de l’école, son style ambigu contribue à sa volonté d’assumer sa naissance inédite. Appréciant les kimonos et tissus larges comme moulants, ses vêtements tentent de prouver qu’il est inutile de les attribuer arbitrairement à un sexe. Tant que ça convient à ses goûts, toute personne devrait pouvoir porter ce qu’elle souhaite sans être jugée sur des critères aussi ridicules que les stéréotypes. Après des années à se vêtir quasiment que de tuniques de couleurs claires unies, son sens de la mode se diversifie dans toutes les teintes et nuances sous les conseils de la reine des Enfers. En tant qu’ex souveraine de son royaume, son armoire ne contenait pas qu’une robe ou autre et elle sait que la présentation vestimentaire comptait dans nombre de relations diplomatiques. En revanche, peu importe les habits enfilés, son oreille gauche porte toujours des boucles piercings en bois précieux noirs, un cadeau d’une valeur sentimentale inestimable. Pour compléter le tout, il n’est pas rare de voir une sorte de serre-tête orné d’oreilles de renards ou de chats sur ses cheveux roux enflammés.




• Caractère

Véritable cœur d’or, l’enfant n’hésitera pas à donner ses biens aux personnes dans le besoin ou à apporter son aide quitte à parfois mettre sa propre vie en en danger. Sa générosité pouvant confiner à de la pure candeur, donner une énorme partie de l’argent envoyé par sa tutrice à des associations ou personnes dites sans domicile fixe ne lui pose aucun problème. Faire don de ses livres ou habits est un acte naturel à ses yeux à l’exception de ses anneaux piercings, présent de sa seule parente adulte encore en vie. Offrant de son temps et de sa magie à tout le monde sans perdre son doux sourire se confère presque à de la naïveté. Nombreuses sont les âmes à vouloir abuser de sa bienveillance sans jamais daigner une reconnaissance ou à s’en moquer avec plus ou moins de cruauté. Malheureusement, son mutisme peut aussi être sujet de plaisanteries douteuses heurtant sa sensibilité naturelle sans oser faire front aux auteurs et autrices de telles vilénies. Ayant eu l’habitude de ne jamais répliquer, ou très peu, face au harcèlement pour ne pas envenimer davantage la colère de ses bourreaux et de leurs complices, tirer profit de son incapacité à oraliser amuse malheureusement plus d’une âme.


Si une âme généreuse a la chance d’arriver à conquérir son amitié et son affection, sa loyauté sera éternelle. Sans pour autant repousser les autres, gagner sa pleine confiance est difficile. Son cœur encore traumatisé par le harcèlement vécu, la bienveillance témoignée à son égard se doit d’être exemplaire pour obtenir le statut d’être digne de foi. Néanmoins, sa naïveté naturelle verra toujours le bon aspect des gens et quand la part d’ombre se révèle, la douleur infligée est au centuple. Incarnation de l’innocence, prendre au pied de la lettre tout ce qu’on lui dit peut vite se montrer à la fois adorable et affligeant. N’ayant aucun sens de compréhension face aux expressions françaises, langue en apprentissage, l’androgyne les interprète littéralement mot à mot. Par exemple, si une âme assez courageuse dans ses sentiments lui demande de sortir avec elle,  Robin va juste l’emmener dehors comme le veut le sens premier du verbe employé. Dans un autre exemple, « avoir un tigre dans le moteur » risque fortement d’attirer son attention, réclamant candidement à voir le splendide félin. Ne lui dites jamais que vous aimez faire la bête à deux dos, sa candeur l’empêche de voir le côté sexuel et cru des choses mais en plus ses connaissances exacerbées en zoologie vous répondront qu’il n’existe aucun animal disposant d’une telle anatomie. Parler avec un être disposant d’une innocence aussi pure peut se révéler être un vrai parcours du combattant, le vocabulaire devant être choisi avec soins. De par ces difficultés de compréhension, sa cousine en étant également victime, il n’est pas rare que leur protectrice doive leur expliquer certains points obscurs des leçons en les traduisant en langue ska, le dialecte commun entre les créatures célestes et démoniaques. 

Adorant par-dessus-tout la fille unique de sa tante, la douce Syria, la protéger et la soutenir sont une priorité absolue. Souffrant de phobies sociales pathologiques, notamment vis-à-vis des hommes, l’adolescente ne sort quasiment pas de sa chambre et l’hermaphrodite est l’unique personne à pouvoir l’approcher sans récolter le moindre geste d’angoisse ou de méfiance. Certaines mauvaises langues cracheront que son affection vire à l’inceste mais il ne s’agit que d’un amour pur, platonique et sincère dans lequel aucune forme de sexualité n’a sa place. Avec le passé que le duo traîne, toute notion de ce genre est bannie par leur inconscient.


Comme le veut son prénom, porté par un archer légendaire, le tir à l’arc ne lui cache plus aucun secret. En parfaite symbiose avec l’arme, attraper ses flèches, bander, viser et tirer sont devenus des verbes entièrement intégrés à ses gestes. Toutes se plantent droit sur leurs cibles avec une grande précision, à croire qu’elles sont capables de communiquer leur souhait à ses mains. Son âme passionnée par l’art subjuguant de la danse, son corps gracieux dispose d’une agilité infinie égalant celle des plus grandes personnes contorsionnistes de ce monde. Agile et son cerveau doté d’un excellent sens de l’équilibre, l’acrobatie aérienne fait souvent partie de ses chorégraphies. Au sol ou dans les cieux, tout son être se dédie au rythme de la musique. S’il est réputé que de rares individus, hommes comme femmes, ont le don de l’oreille absolue et leur permet de reproduire n’importe quelle note, l’androgyne se réfère à sa vision pour apprendre quoi que ce soit. Il lui suffit de voir une fois un quelconque pas de danse ou une chorégraphie entière pour tout reproduire à la perfection, dans le moindre micro-détail et sans aucune erreur. Autodidacte dans ce domaine, seul son instinct dirige ses jambes, ses bras, sa tête et sa taille dans l’art élégant de mettre des émotions sur des gestes. Si sa naissance hermaphrodite est le fruit d’un pur hasard et même d’un cas unique dans tous les mondes, il est évident que cette passion dévore sa pleine existence. Parfaite incarnation de l’innocence pure, il n’est pas si aberrant d’également définir sa personne comme la personnification de la danse. Si cet art devait s’incarner en une âme, elle a déjà fait son choix à travers cet être de magnificence habituellement dans l’ombre. Ayant dû s’effacer et se sacrifier depuis sa venue au monde, seules ses chorégraphies improvisées ou travaillées lui permettent d’exister enfin et d’attraper un peu de cette lumière enivrante trop souvent braquée sur les autres. Sur scène, son androgynie s’oublie au profit de son talent brut. Garçon ou fille ? Peu importe, c’est un bijou de splendeur qui s’exprime pour arracher de vives émotions au public. En revanche, sa passion est en équilibre instable entre le bien-être et l’obsession, un but secret lui intimant de s’acharner sur ses pas au risque de creuser davantage son corps déjà très mince. Pour le moment, sa cousine est son unique partenaire à partager ses ballets dans une osmose touchante.

De par son éducation privilégiée prodiguée par sa marraine, sa culture générale est plus élevée que la moyenne des jeunes gens de son âge. Son érudition impressionnante lui permet de générer d’excellents résultats scolaires mais en contrepartie, sa candeur et sa naïveté en font une proie de choix pour les cœurs moqueurs. En cas d’absence de compréhension sur une leçon donnée, le travail et la persévérance ne l’effraient nullement.


En général, chaque qualité est corrélée à un défaut. Sa grande bienveillance et sa générosité d’esprit ne lui permettent pas de se défendre efficacement contre les moqueries, subissant en silence comme à sa triste habitude. D’un naturel souriant et tendre, ses traumatismes passés ressemblent plus à de la naïveté qu’autre chose quand il s’agit de tenter d’analyser les autres au risque de lui cacher leur mauvais côté. De par son pouvoir, ses capacités empathiques frisent parfois la malédiction tant elles sont surdéveloppées. Capable de ressentir au centuple les fortes émotions des personnes à proximité, son corps ne peut en interpréter les raisons mais subit les vives conséquences. Son esprit ne peut lire celui des autres pour comprendre leurs actions mais attrape les vifs sentiments. En cas de crise de fureur à ses côtés, l’androgyne va en souffrir mais ne pourra jamais savoir pourquoi l’âme concernée s’est mise en colère à ce point. Dans le même genre, ressentir la terrible douleur des règles des femmes aux alentours peut faire partie de son quotidien. Simuler une maladie pour espérer échapper aux cours ne fonctionnera pas avec l’ange à proximité. C’est sans doute ce talent à la fois bénéfique et maudit qui lui permet de comprendre aussi parfaitement sa cousine adorée au point de plonger dans les mêmes traumatismes. Si les siens n’ont pas développé des phobies sociales virulentes, sa sociabilité en tant que telle est encore très maladroite. Depuis leur naissance, leurs parents, à une exception près, se sont évertué à protéger le duo et leur marraine Masha s’est érigée comme leur professeure particulière. Le fait de se rendre en classe collective avec des enseignants et enseignantes dans chaque matière est une nouveauté inédite à ses yeux.


D’un caractère discret et bienveillant, l’injonction de lui expliquer les raisons de telles émotions ne sera pas demandée. Sa curiosité d’enfant se borne essentiellement à des questions bien plus naïves sur le monde qui l’entoure. Si une interrogation possiblement indiscrète peut franchir ses lèvres, ça ne sera jamais dans un sens malveillant et encore moins volontaire. En désir de comprendre cet univers humain très différent de son Paradis d’origine, faire du mal n’est absolument pas dans sa nature profonde et si ses mots peuvent être maladroitement choisis, ils ne sont pas destinés à blesser l’interlocuteur ou l’interlocutrice en face. Toute méchanceté, cruauté ou puissance d’abus sont absentes de son âme qui ne brille que de pureté et de candeur. Bien que son physique soit en contradiction avec l’idée que les sociétés terriennes se font des anges, sa personnalité s’en rapproche bien plus quoi que ses bourreaux ont pu en dire dans le passé.


De par toutes leurs particularités, arriver à converser et entretenir une relation suivie avec les deux anges relèvent de l’exploit tant les obstacles sont nombreux. Robin est la seule âme du duo à avoir la capacité physique de se rendre en salle de classe, l’autre présente encore des troubles phobiques trop importants pour avoir une scolarité « normale ». À la rentrée prochaine, l’androgyne mettra les pieds à l’école pour la première fois, ayant toujours bénéficié de l’éducation à domicile jusque-là. Le corps enseignant et ses camarades vont devoir savoir l’accueillir respectueusement et lui expliquer ses premiers principes sociaux. D’un naturel timide et généreux, sa pureté devrait toucher leur cœur à contrario de celui de la communauté céleste. Sa protectrice lui a certifié que bien que tordue parfois, la nature humaine saura plus facilement l’accepter que le Paradis obsédé par une perfection inaccessible. De même, les autres créatures magiques comme terriennes peuvent être surprises par son apparence et ses singularités mais ça ne signifie pas que le mépris est obligatoire. Apprendre que ses yeux vairons, ses cheveux incendiaires et sa biologie unique ne sont pas des malédictions constituera déjà un immense pas en avant.


• Histoire et Singularité

Vol (don naturel) : En tant qu’ange, déployer ses ailes dans l’atmosphère pour s’envoler et parcourir une certaine distance fait partie de ses prédispositions propres à sa race. Au sol, les vampires et lycans sont réputés pour être les plus rapides mais dans les cieux, le peuple dragon, la communauté démoniaque et les êtres célestes se disputent le titre. Les plumes de l’hermaphrodite sont blanches avec des reflets cuivrés, dorés et violacés semblables à ses yeux et ses cheveux dans subtil mélange de teintes froides et chatoyantes. De par son jeune âge, le processus de déploiement est extrêmement douloureux à chaque transformation. Son corps en pleine croissance ne peut supporter une telle dose massive d’énergie sans lui infliger une douleur inimaginable. En plus de sa malédiction empathique, la matérialisation de ses rémiges peut littéralement lui brûler les muscles et générer une forte fièvre. En cas d’urgence, la poussée d’adrénaline permet à l’androgyne de surpasser la douleur et de voler plus rapidement mais son organisme en payera le prix tôt ou tard. Supporter un tel traitement sans broncher demande une maturité physique acquise qu’à partir de la majorité, le premier millénaire de vie dans son monde d’origine, entre 18 et 21 ans dans ce nouvel univers.

Langue des signes (connaissances indispensables à sa communication) : Les traumatismes de son enfance ont plongé l’être aux yeux vairons dans un étrange mutisme. Techniquement parlant, les cordes vocales fonctionnent encore mais les blocages psychologiques les empêchent de s’activer. À l’instar de sa cousine, touchée en plus de phobies sociales exacerbées, parler oralement lui est pour le moment impossible. Incapables de discuter de vive voix, une langue des signes céleste vient pallier ce défaut. Les doigts dansants sont traduits magiquement via une tonalité enfantine. Ce processus dit artificiel oralise tous leurs propos signés sans que leurs lèvres n’aient à s’entrouvrir. En revanche, le sortilège n’est pas entièrement au point. Les traductions données sont plus performantes quand la personne qui signe connaît la langue de son interlocuteur ou interlocutrice. Comme le français est en début d’apprentissage pour les deux jeunes anges, il n’est pas rare que leurs discours comportent quelques « erreurs de prononciation » comme le ferait un ou une enfant en tout début de langage. Bien qu’ayant maîtrisé une dizaine de dialectes au cours de sa toute petite enfance, celui du pays en hexagone lui échappe totalement. De par ce décalage entre le céleste et les idiomes humaines, la confusion entre différents sons et les formes de phonétiques est très récurrent dans son élocution. Le plus souvent, le [z] remplace le [j], le [ch] prend la place du [s] et une négation intempestive a tendance à se faufiler un peu partout à base de « ne » réguliers. Sa précocité des langues parlées ne peut se récupérer qu’à l’écrit pour le moment mais entendre sa véritable voix sera considéré comme un miracle vu le mutisme traumatique lui bloquant les cordes vocales depuis des décennies célestes.

Flèches empathiques (pouvoir bénéfique avec une puissante contrepartie) : Maitrisant l’art de l’archerie avec un talent exceptionnel, son talent magique se concentre surtout sur l’arme si chère au légendaire Robin des Bois. Se matérialisant à sa convenance, sa tenue élégante lui permet d’envoyer des salves de flèches avec davantage d’agilité puisqu’elle s’adapte à la pratique du tir. De la même manière, son carquois apparait ou disparait de son dos à volonté et ne se vide jamais.


Son pouvoir fonctionne avec la préparation de philtres spécifique dont la totalité de la recette n’est connue que son esprit. Une fois les pointes trempées dans le premier onguent, ses flèches entrent en contact avec la chair pour se métamorphoser en une sorte de poudre brillante indolore. Agissant sur tous les métabolismes d’origine animale, elles peuvent soigner des animaux blessés, en réconforter d’autres ou encore aider les femelles à mettre bas en atténuant les souffrances engendrées. En cas de danger, la faune visée voit leur résistance physique s’accroitre ainsi que leur possibilité de se retourner contre les âmes attentant à leurs vies.

Dans une seconde potion, ses flèches lancées à travers les cieux lui permettent d’appeler les animaux dans un environnement géographique proche. Si tous et toutes comprennent ce signal, son don n’agit pas sur leur volonté première et ne les oblige nullement à rejoindre l’androgyne. Son aura spécifique leur est naturellement attirante mais certainement pas une obligation à rejoindre son « clan ». Ceux et celles qui obéissent à cet étrange instinct le font par convictions et envie. Nombreux sont les êtres à l’approcher amicalement sur un fond de curiosité avant de choisir de demeurer loyalement à ses côtés. Une troupe fidèle s’est formée autour de l’ange au regard bicolore et sa cousine telle une garde rapprochée des plus atypiques. En première ligue, une dame moineau répondant au nom d’Hedwige est la compagne dévouée de l’ange aux mèches enflammées. Un splendide renard roux surnommé Rox, comme le célèbre film d’animation, est un sage conseiller capable des ruses les plus élaborées pour aider ses ami.e.s. Le plus attaché à l’adolescente immaculé et se pose même en son protecteur privilégié est un magnifique loup blanc aux yeux bleus prénommé Croc-Blanc tel le héros antonyme du roman de Jack London. Si d’autres animaux suivent volontiers le duo céleste, le trio en constitue le nœud central de par leur dévotion absolue envers l’hermaphrodite.


Bien évidemment, la protection de la faune et de la flore lui tient à cœur et les âmes détruisant volontairement l’environnement lui retourne l’estomac sans un profond dégoût. Arrivant à établir des liens extraordinaires avec toutes les races et les espèces, une compréhension mutuelle de langage s’instaure entre les deux parties. Les animaux n’ont aucune peine à comprendre la langue des signes célestes, comme par instinct et l’androgyne saisit toutes leurs pensées. Avec ses flèches trempées dans la première potion, il lui est possible de donner une oralité à ses animaux qui n’éprouvent aucune difficulté à communiquer de manière humaine. Si l’amour et la loyauté lui sont acquis chez une immense majorité des bêtes, changer leur nature profonde est impossible chez certaines. Les animaux déjà liés à une personne malveillante comprendront son pouvoir mais n’iront pas forcément rejoindre son camp. Soustraire des bestioles domestiquées à l’emprise de leur propriétaire lui est plus difficile qu’avec des espèces en liberté. De la même manière, si augmenter leur potentiel physique est possible, les pousser à la rébellion ou au combat lui parait moralement inacceptable. Dans tous les cas animaliers, gentillesse comme cruauté, savoir leur parler et en saisir le langage est devenu un don inné.


En bénéficiant d’une empathie exceptionnelle et d’un lien inégalé avec la faune, son rapport avec les êtres humanoïdes n’est clairement plus le même. Magiques comme humaines, ces créatures douées d’oralisation et de pensées ressentent des émotions plus ou moins puissantes qui vont toucher l’androgyne au prénom mixte. Si son pouvoir est puissant, la compensation est bien plus violente pour son jeune organisme. Dans un rayon géographique d’environ une cinquantaine de mètres, son empathie se montre surdéveloppée à un point inquiétant. Capable d’attraper les émotions des personnes existantes dans ce périmètre, son corps peut en subir les malheureuses conséquences à condition que le ressenti soit plus brutal que la moyenne comme une rage démesurée, une tristesse infinie, une joie exacerbée, une douleur virulente ou un amour passionnel. Plus les sentiments sont forts, plus son corps va en subir les travers. Dans ses crises les plus impressionnantes, son dos s’arc-boute violemment comme prêt à se briser, sa respiration s’amenuise pour lui couper le souffle, ses poumons se vident d’oxygène, sa peau saigne par endroits sans subir un quelconque choc physique et son visage se couvre d’une fièvre soudaine des plus inquiétantes. Dans les cas extrêmes, s’écrouler sur le sol et s’évanouir constituent un grand danger. Quand la perte d’énergie est trop importante ou que son inconscience peut mettre sa vie en danger, un cocon lumineux protecteur l’entoure immédiatement pour s’ériger en solide bouclier contre les éventuelles agressions extérieures. Si les ressentis sont dits « normaux », en deviner la teneur lui est facile mais en connaître les raisons exactes lui est inaccessible à moins que la personne concernée accepte de lui confier ses états d’âmes. De plus, sa tendre innocence l’empêche de percevoir immédiatement la part d’ombre des gens. Seul le temps et l’entraînement lui permettra de mieux décrypter les sentiments de ses « victimes » involontaires pour éventuellement leur apporter son aide. 

Étrangement, son don ne s’est jamais manifesté lors des attaques violentes et du harcèlement infligé par ses pairs au Paradis en dépit de la puissante haine se dégageant dans l’atmosphère. Si tel avait été le cas, son organisme n’aurait jamais tenu sur le long terme pour mourir d’épuisement. Il semble que son pouvoir se manifeste plus spécifiquement quand les émotions ne lui sont pas spécialement destinées comme la haine de ses bourreaux. Cela peut arriver mais ses crises ont rarement eu lieu lors des sévices qui lui ont été infligé au nom de sa différence.


HISTOIRE
Les titres des chapitres sont inspirés de la chanson « Survivor » initialement des Destinys Child mais reprise par Emil Bulls en version métal. Certaines paroles correspondent à des points de l’histoire de Robin.
TRIGGER WARNING : Mentions de harcèlement, abus sexuels, de mutilations, de violences, de meurtre et d'une tentative d'assassinat. Histoire pour les + 18 ans 




Chapitre Un : Thought I couldn’t breath without ya, I’m inhalin’ 


En ce 24 août de la huitième lune de l’année céleste, deux cris résonnent en simultanée d’un bout à l’autre du couloir d’un blanc éclatant. Les ordres se lancent dans une volonté de vive rapidité tandis que le sang menace de saillir depuis les jambes à la peau de pêche. Les encouragements sont murmurés amoureusement quand d’autres sont portés par des voix bien plus fortes dans un environnement professionnel des plus rigoureux. Onze heures sonnent à l’horloge lorsque les premiers pleurs font écho au soupir soulagé de la jeune maman. Le corps tout chaud est soulevé dans l’air glacial et soudainement, les visages auparavant joyeux blêmissent dans une sourde incompréhension.

-Qu’est-ce que… ?


L’interrogation inachevée du médecin laisse l’ensemble de la salle pantoise comme de peur de s’extirper du choc initial. Attrapant brusquement le bébé des bras de la sage-femme, ses sens professionnels en occultent les hurlements de première respiration pour se concentrer sur l’ensemble de son organisme. Il a beau observer et vérifier sous tous les angles, ses yeux ne le trompent pas et l’effroyable vérité se dessine dans son abomination irréelle : les deux sexes sont présents dans un tableau d’hermaphrodisme impossible. Projetant ses connaissances scientifiques spontanées sur l’enfant, les résultats qui en ressortent sont des plus effarants : un parfait équilibre entre les hormones masculines et féminines persistent en ce minuscule être à semi-aveugle à l’identité sexuelle perturbante.

-Fé…Félicitations, vous avez un…une….un enfant ! Nous reviendrons plus tard…


Les mots lancés dans une hésitation palpable, le teint toujours blafard, l’homme à la courte chevelure grisée quitte la chambre dans une démarche tremblante suivi de son personnel. Au cours de sa carrière millénaire, jamais il n’a vu pareille chose ! Glissant le long du mur, les infirmiers et maïeuticiennes l’entourent, leurs pupilles aussi écarquillées que les siennes.  Quelle sorcellerie s’est immiscée au creux des entrailles de l’ange féminin pour donner naissance à un tel monstre ? Il n’a pas le temps de s’en remettre que déjà la sonnerie d’alarme retentit depuis une chambre proche de là. Se relevant brusquement, il se précipite vers la salle du tumulte où une autre créature céleste s’apprête à donner la vie.

Sur le lit, le couple délaissé observe le bébé dormir tranquillement sur le torse de sa maman, une expression de pure innocence se dessinant dans son sommeil. Des reflets rougeâtres luisent sur ses premières mèches et sous sa couverture, sa particularité biologique ne cesse de s’affirmer comme dans une provocation bien réelle. Échangeant un regard, le père et la mère plongent dans le silence quelques secondes avant qu’il ne se brise sous une timidité masculine déconcertée.




-C’est un peu…déroutant…Serons-nous capables d’élever…une telle différence ?


Tout aussi perdu que sa compagne, le père n’ose prononcer un mot de plus,  la gorge serrée, ne sachant s’il doit être terrifiée ou admiratif devant ce phénomène inédit. S’interrogeant mutuellement  sur l’avenir du nourrisson dans un mutisme inquiétant, des gestes inconscients vont leur donner une réponse évidente. S’agitant doucement dans ses rêves, le bébé entrouvre ses mains  et un gazouillement enchanteur lui échappe dans un son enivrant. Ses paumes mouvantes rencontrent par hasard la joue de la maman et les phalanges du papa avant que son destin ne bascule. Refermant ses doigts dessus, un rictus heureux parait se peindre sur ses lèvres dans une satisfaction intense. Le cœur en émoi et l’émotion portée à son comble, les parents regardent l’enfant dormir sereinement comme dans un cocon protecteur.  Bouleversée, la maman prend encore quelques instants avant d’arriver à prononcer un semblant de discours.

-Je crois que…qu’il…ou elle d’ailleurs nous a choisi et…nous fait confiance…Portons sa…différence avec…fierté…Ce sera notre…enfant…ni plus ni moins…


Acquiesçant à ses propos, tout aussi troublé qu’elle par ce bébé unique au monde, une vague d’amour envahit leur cœur pour s’attacher définitivement à ce minuscule être. Son prénom s’impose dans une évidence et les lettres magiques se gravent à même le bracelet de naissance apposé à son poignet. 

Robin


Prononcé à l’anglophone terrienne, [RobinE] permet une identité mixte, s’alliant aussi bien aux hommes qu’aux femmes. En se basant sur la langue céleste, les sonorités se rapportent à la différence, un mot parfait pour s’accrocher à ce minuscule être biologiquement androgyne. Onze minutes se sont écoulées depuis la naissance de l’enfant mystère qu’un nouveau cri de nourrisson emplit le couloir. Échangeant de nouveau un regard, le couple s’offre un torrent d’émotions, un sourire tremblotant sur les lèvres.


-Oh, je crois que nous venons d’entendre le bébé de ma sœur…Tu veux bien aller voir ?

Hochant la tête devant l’interrogation de la jeune maman, le papa se lève du matelas avec précaution comme de peur de réveiller le nourrisson. S’éclipsant de la chambre, il avance jusqu’au bout du couloir avant de se coller contre le mur dans une patience exemplaire. Agitations et bruits de pas assourdissent encore la pièce fermée et lorsque la porte s’ouvre, le médecin en sort suivi de son personnel. Sursautant à la vue de l’ange masculin, une rougeur partagée entre la gêne et le dégout colore ses joues. Pinçant discrètement les lèvres, il finit par lâcher quelques mots.

-Ah…Vous faites partie de la famille de Joy, je l’avais oublié…Votre belle-sœur vient d’avoir une petite fille prénommée Syria…Vous pouvez aller la voir mais pas longtemps,…Je reviendrai vous voir avec votre compagne, je dois vous parler.

Arquant un sourcil, l’homme aux délicates mèches blondes aimerait rétorquer quelque chose mais estomaqué par la froideur du professionnel de santé, les mots se bloquent dans sa gorge. Le regardant s’éloigner, non sans un mauvais pressentiment au cœur, il finit par secouer la tête comme pour s’extirper de ce mauvais songe. Toquant à la porte, il pénètre dans la chambre après en avoir reçu l’autorisation. Félicitant les jeunes parents, les informations s’échangent dans une ambiance conviviale. Si son beau-frère et la sœur de sa conjointe leur peinent à cacher leur surprise devant la singularité biologique du bébé,  elle est rapidement remplacée par une sincère affection tant les yeux du papa brillent d’émotions en leur décrivant ce moment magique où ses toutes petites mains se sont accrochées à ses doigts et au visage maternel. La tête et sa magie remplies de l’adorable sourire de sa nièce, il s’empresse de rapporter ces souvenirs et images auprès de son épouse.  Une fois les mères debout, chacune se rend mutuellement visite dans une atmosphère chaleureuse. Les hommes sont ravis de leur nouveau rôle de pères et d’oncles quand les mamans et tatas frisent l’extase.

Discutant avec animation au sein d’une pièce neutre réservée aux familles, les parents posent les bébés en sommeil dans le même berceau. Leurs minuscules doigts s’accrochent instinctivement à l’autre comme dans une étreinte inconsciente à l’amour infini. Les deux couples les observant avec bienveillance à la limite de la dévotion, leur quiétude se brise lorsqu’un poing toque à la porte laissant place à l’accoucheur céleste. Posant son regard bleu sur les bébés, un bref éclair de dégoût les traverse avant qu’il ne relève la tête vers les quatre adultes en présence.

-Madame Jazz, Monsieur Zach, puis-je vous parler quelques minutes, s’il vous plait ? 


Fronçant les sourcils, le cœur battant à tout rompre devant l’ébauche d’une mauvaise impression se dessinant dans leur esprit, le duo légalement responsable du nouveau-né au prénom mixte finit par hocher la tête, de pénibles déglutis passant difficilement la gorge. Une lueur inquiète au fond des pupilles, le père et la mère de la nommée Syria quittent la pièce à regrets, leur fille dans les bras. Une fois la porte refermée, le médecin s’approche du berceau où dort encore l’enfant aux mèches rougeâtres. Posant un doigt sur son front, ses sens magiques lui transmettent les informations désirées venant confirmer son diagnostic. Un frisson d’horreur parcourt son dos tandis que le bébé s’agite dans ses rêves sans formes distinctes. 

-Je vous déconseille fortement de vous attacher à cet enfant, ça sera plus bénéfique pour vous lorsque nous lui donnerons le biberon cyanuré prévu pour les cas désespérés…

Les mots tombent avec une extrême violence en dépit de leur douce tonalité, presque compatissante aux allures de pitié. Un millier de coups de poings dans l’estomac n’aurait jamais fait autant de mal aux jeunes parents que ce sous-entendu glaçant où ne suinte aucun remord ou regret à la terrifiante idée évoquée. Le visage blême, leur souffle se coupe pour s’étouffer dans les images cauchemardesques renvoyées par l’ignoble sous-entendu. Un lourd grondement de rage vibre entre les lèvres du père avant qu’il ne bondisse en avant, sa main attrapant violemment le col de la blouse de son interlocuteur, la colère et le mépris déformant ses traits. 

-Comment osez-vous… ? Vous nous suggérez de…tuer notre bébé ?


Quelque peu secoué par la soudaine violence de l’ange, le gynécologue conserve un visage qu’il désire neutre et retire doucement le poing serré de son vêtement. Remettant en place ses lunettes accessoires dans un geste nerveux, ses mots semblent choisis avec soins mais peinent à cacher sa froideur et son profond dégoût pour le tout petit-être endormi. 


-Tous mes examens le confirment...Le taux d’hormones mâles et femelles est en parfait équilibre, aucune ne prédomine et ses organes génitaux sont…tous présents ! Il serait trop dangereux de laisser grandir pareille chose…ce n’est ni un garçon ni une fille mais une sorte de…monstruosité n’ayant rien à faire dans notre univers parfait, le Tout-Puissant m’en soit témoin. 

Sa dernière phrase ne cache plus rien du profond de ses pensées. L’esprit embrigadé par l’idée que la race céleste est modèle de perfection, le moindre détour ou attrait se détachant de cette propagande se doit d’être éliminé. Combien de vies innocentes a-t-il sacrifié au nom de cette pensée absurde et surtout en quelle quantité les couples concernés ont-ils volontairement acceptés d’empoisonner leur enfant à l’unique prétexte que sa différence est une tare dans leur monde ? Leur traumatisme et deuil sont-ils niés et réduits au silence pour que personne n’entende parler de telles méthodes ? Un violent goût de nausée sur les lèvres, le visage cramoisi de fureur, la jeune femme réagit la première, ses cris de rage couvrant le violent coup de poing de son mari venu s’écraser sur le visage du médecin. 

-C’est vous le monstre ! Cet enfant est le nôtre, peu importe sa biologie ! Il est parfait pour nous !  Partez ! Assassin ! 

Ses hurlements vont de pairs avec le visage rouge de fureur de son époux en pleine retenue de lui offrir une seconde correction. L’ego malmené par la réaction du couple et l’impression que ses connaissances supérieures en médecine ne sont pas écoutées, l’ange accoucheur se relève, une moue indignée sur les lèvres. Un profond mépris luisant dangereusement dans son regard, il se drape dans sa dignité pour quitter la pièce dans un râle de haine à peine dissimulé.

-Un monstre au Paradis…Votre trahison ne sera pas oubliée…


Son départ précipité lui évite le retour du poing paternel tandis que l’aura de la maman grimpe dangereusement dans une sourde menace. À peine est-il parti que les parents de la petite Syria arrivent en courant, une expression inquiète sur leurs traits. Recevant des explications, une profonde nausée et colère leur noue le ventre et sans même se concerter, une décision commune danse à leurs esprits. Quittant la clinique sans hésiter, passant la barrière des infirmières et de leurs collègues masculins, les mamans signent les documents administratifs et partent sans se retourner, leurs compagnons sur leurs talons.
 

-Joy ? Jazz ? Vous sortez déjà ? Mais…J’ai su que vous aviez accouché toutes les deux dans la journée, pourquoi partir maintenant ? 

Courant à leur rencontre, une fine silhouette les observe, l’incompréhension luisant dans son regard couleur de l’océan. Sa taille de guêpe se couvre d’une longue tunique immaculée et ses longs cheveux sont d’un blond si clair que la neige semble vouloir s’y noyer. Ange gardienne et magicienne à la puissance et à l’intelligence remarquables, la prénommée Masha est une amie de longue date des deux jeunes femmes. Mise au courant des derniers évènements, le choc psychologique est intense pour la protectrice céleste. Comment un médecin peut-il être aussi mauvais et prétendre vouloir défendre la perfection quand son mépris suggère clairement un assassinat ? Pourquoi tuer un bébé aussi adorable que ce minuscule être au crâne couvert de légères mèches rousses et le séparer de sa cousine, la fillette aux quelques cheveux immaculés ? Le cœur brisé à l’idée que des âmes puissent offrir le mal à des enfants, son amitié touche tant les couples que spontanément, les parents lui demandent d’en être la marraine. Honorée par la confiance engendrée par cette responsabilité, la mage céleste accepte avec modestie, une légère rougeur sur les joues tandis qu’elle observe le sommeil des deux nourrissons avec amour. 




Chapitre Deux : You thought that I’d be helpless without ya but I’m smarter


Quelque peu surpris par cette étrange décision précipitée, le voisinage des deux familles les aide à déménager, pensant naturellement qu’une maison plus grande conviendrait mieux à l’éducation d’enfants. S’installant dans deux logements à quelques pas l’un de l’autre et non loin de l’appartement de l’ange gardienne, les deux sœurs et leurs maris peuvent enfin souffler avec leurs bébés. Aveugles de naissance, les deux enfants suscitent des commentaires élogieux et des compliments bienveillants mais le vent tourne violemment lorsque leurs yeux s’ouvrent pour la première fois. 


Le nourrisson au prénom humain mixte, choix jugé troublant par bien des esprits, dévoile de grandes pupilles hétérochromes hypnotiques. Son œil gauche est une splendeur de rivière d’améthyste quand le droit se présente sous la couleur de l’or que jamais l’être le plus cupide de tous les mondes ne pourra acquérir. Ces merveilles d’eau dorée et violacée entraînent les regards à se détourner dans un réflexe apeuré ou à s’y noyer tant leur profondeur a quelque chose d’ensorcelant. Quant à la petite fille, ses prunelles sans couleurs achèvent de convaincre les dernières hésitations à s’exprimer. Aussi lumineux que les plus purs des diamants, ses iris reflètent le monde autour d’elle dans un miroir parfait. Les plus forts rayons solaires se cognent contre son regard pour en dévier, transporté par ce cristal naturel des plus transparents. Refusant de se plier à la conformité visuelle avec ces différentes nuances de bleu, vert ou noisette clair à l’essence dorée, ces rivières violettes et cristallines inspirent bientôt les premiers murmures réprobateurs et interrogations suspicieuses. 


Que le Seigneur Tout-Puissant et éternel en témoigne, ces étranges teintes n’ont jamais vu le jour chez aucune âme avant ces bébés à l’énergie imbibée de mystères. La méfiance augmente d’un cran lorsque les cheveux commencent à bien pousser sur leurs délicats crânes. Des mèches rousses incendiaires sur l’un et une chevelure de neige la plus pure pour l’autre, voilà de quoi alimenter les chuchotements pernicieux à leur passage. Pour ne rien arranger, les parents de l’enfant au nom mixte n’usent jamais des mots « fille » ou « fils » à son égard, leur choix de vocabulaire volontaire attise les curiosités les plus malsaines. Les rumeurs montent en puissance et les tensions grondent en coulisses. Il se murmure que RobinE, le couple insistant fortement sur la prononciation du « e » final invisible à l’écrit, ne serait ni tout à fait une fillette ni un garçon à proprement parler. Ses cheveux coupés mi- longs ne décèlent aucun indice dans un amas de frustration.


Ses premiers pas à peine effectués en compagnie de sa cousine, leur marraine Masha implore les parents de ne pas les inscrire au sein du système scolaire classique en demandant à être leur professeure particulière. Arrivant à se mettre debout et à canaliser leur attention pendant de longue minutes sur divers jeux d’éveil, leur vive intelligence se développe sous l’égide de l’ange gardienne. Dès que l’équivalent de leur première année de vie terrienne est atteint, les deux couples les envoient étudier au sein de l’appartement de la jeune femme cinq jours par semaine. 


Lorsque les autres enfants se rendent à l’école, aux alentours de trois printemps humains, les êtres de neige et de feu savent déjà écrire, lire et compter avec une extraordinaire facilité. Leur vocabulaire s’étend considérablement avec la maitrise orale et manuscrite d’une dizaine de langues terrestres comme l’anglais, l’espagnol, l’allemand, le grec, le portugais, le mandarin, l’arabe et le japonais sans jamais perdre le fil de leurs propos et improviser des conversations soutenues. Génies en herbe, iels apprennent également quelques notions de démoniaque que leur marraine a acquis au contact d’émissaires infernaux. Pour combler leur mémoire déjà bien remplie, l’apprentissage du ska, langage commun au Paradis et aux Enfers, parait indispensable à la jeune femme pour parfaire leurs connaissances. 


Sous son éducation ouverte à la culture et aux arts, iels se découvrent une passion incommensurable pour le chant et la danse, en particulier chez l’enfant androgyne qui voue presque un culte aux pas chorégraphiés. Leurs voix plus pures que le cristal percent l’atmosphère dans une magnificence infinie alors que leurs corps frêles savent déjà se mouvoir avec mille grâces. Chacun de leurs mouvements est comme divin lorsque leurs oreilles perçoivent le son de la musique, à les croire littéralement né.e.s pour ça. Si la petite Syria a une légère préférence pour la peinture et le dessin, Robin semble être l’incarnation même de la danse tant iel s’y investit. Il lui suffit de voir un pas pour le reproduire à la perfection sans essuyer le moindre échec, il est dit que certaines personnes ont le don de l’oreille absolue mais pour l’être aux yeux vairons, c’est sa vision qui est touchée par ce talent inouïe. Leur quatrième année humaine n’est pas comptabilisée que leurs capacités intellectuelles dépassent de très loin les moyennes de leur classe d’âge. 


Si au départ, les cordes vocales se taisent par respect pour la puissante ange gardienne, les premières ombres de la jalousie commencent à s'immiscer dans les âmes célestes. À leur passage, les chuchotements augmentent avec véhémence, les regards se durcissent et les sourires s'effacent. Les mauvaises langues ne cessent de s’agiter, sifflant avec fureur, envie et consternation. Les premières insultes se glissent discrètement quand les chahuts et bousculades augmentent étrangement à leur présence. Les sourcils se froncent et bientôt, les regards se chargent d’une haine incommensurable. 


Comment un être au physique androgyne et une fillette toute immaculée aux pupilles en miroir osent surpasser les autres enfants représentant la perfection céleste tant demandée ! Selon toute logique, c’est leur progéniture dite pure qui doit posséder de tels dons et pas ces impuretés humanoïdes dégoûtantes ! Leur douce innocence augmente le violent désir de la jalousie de leur arracher les yeux et le cœur. Impossible que des enfants à la différence si éclatante puissent se prétendre incarnation de Lucifer, l’ange déchu le plus beau et parfait qu’ait jamais connu leur monde ! 


Les accusations délirantes courent rapidement sur le candide duo. Il se murmure qu’un simple contact, même visuel, avec cette engeance, suffit à ce que leur impureté détale en un transfert monstrueusement contagieux. Un coup de vent brise un vase ? L’objet a été souillé de leurs regards peu avant ! Une terre agricole produit moins de récoltes ? Il est évident qu’iels ont inculqué paresse et malédiction à la famille concernée même sans l’avoir croisée ! Si un ou une enfant tombe, son corps a été possédé par ces horreurs l’espace d’un instant. La bêtise, la haine et le mépris s’immiscent dans quasiment tous les esprits à la manière d’une épidémie venimeuse. La jalousie se transmet de bouches à oreilles dans l’organisation d’un lynchage collectif d’une monstruosité sans pareilles. 


Leurs parents et marraines les défendent avec véhémence mais leurs propos sont étouffés à coups de bruits de couloirs, de répliques méprisables et de soupçons de trahisons. Leur manque d’objectivité leur est reproché comme s’il était fondamentalement anormal d’aimer ces deux enfants. Les sœurs mamans sont les plus farouches résistantes à la pression du harcèlement, n’hésitant pas à contre-attaquer avec honneur et dignité. Si le papa de l’androgyne se montre aussi courageux que son épouse, une étrange noirceur commence à assombrir le regard de celui de la petite fille aux cheveux de neige.






• Derrière l'écran

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Robin Windrosen
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Robin Windrosen
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Lun 13 Sep - 19:00



Robin Windrosen


After all the darkness and sadness, soon comes hapiness. I'm a survivor



• Histoire et Singularité

Chapitre trois : Thought that it would be over now but it won’t stop


Derrière les murs des maisons se cachent bien des secrets. En apparence, l’ange aux courts cheveux châtains est un compagnon et un père comme bien des autres. En public, il se montre affable, aimable et des plus bienveillants si bien qu’il s’attire naturellement la sympathie et le soutien inconscient des âmes témoins. Néanmoins, sa vie privée révèle une facette sombre où l’hypocrisie s’entrecroise à la violence. Son ombre s’étend à la manière d’un tyran sur l’ensemble du foyer que l’harmonie a préféré déserté. 
N’ayant aucune notion du temps similaire à celle des adultes, la fillette au regard de cristal ne saurait dire à quel moment ces horreurs ont commencé. D’aussi loin que remontent ses souvenirs conscients, son papa a toujours été ainsi et combien de fois a-t-elle vu sa maman pleurer ? Si elle est une danseuse connaissant tous les rythmes musicaux sur le bout des doigts, elle ne peut suivre la chanson diabolique se jouant sous son toit. Le matin ou le soir, voire les deux, ses oreilles perçoivent des mots aussi venimeux que ceux qu’elle reçoit sortir de la bouche de son père pour les lancer droit sur sa mère. Les injures et les reproches pleuvent avec véhémence sur la jeune femme et son dos se courbe de douleur sous cette cascade de violence psychologique. Hélas, les discours et la destruction à petit feu ne suffisent plus à l’ange masculin et bientôt, ses poings parlent à sa place dans un déluge de coups accompagnés de hurlements enragés. Les cris de souffrance, les pleurs et les supplications n’attendrissent pas son cœur de pierre. Une lueur de haine illumine ses pupilles sombres sans qu’il ne cherche à la retenir. Le mépris s’y associe pour comme lier sa conjointe à un objet dégoûtant sur lequel se défouler.

Parfois, l’enfant se réveille en pleine nuit en entendant les faibles protestations féminines rapidement étouffées sous un étau de puissance masculine. La respiration de ce dernier change au travers du mur entre les deux chambres, elle s’accélère tandis que celle de la femme s’affaiblit comme inerte. Des grognements sauvages résonnent en compagnie de grondements étranges et après de longues minutes, il pousse un râle satisfait et son poids sur le lit conjugal semble changer comme en se laissant mollement retomber dessus. Au vu de son jeune âge, la petite Syria est incapable de deviner ce qui se passe derrière la cloison mais son cœur comprend que sa maman souffre et les larmes lui montent spontanément à ses yeux de diamants comme dans un partage empathique effrayant. 

Elle se souviendra toujours de ce matin-là où tout a basculé. Se réveillant fiévreuse et affaiblie, elle est incapable de sortir de son lit au grand blâme de son père qui pousse de longs soupirs contrariés en fronçant les sourcils. Plus prévenante, sa maman prend sa température et confirme le diagnostic d’un état grippal potentiellement contagieux. Ne pouvant pas prendre le risque de contaminer Robin ou de s’épuiser davantage en se rendant en classe chez sa marraine, elle prévient cette dernière de son absence. 

-Tch, c’est bien ta fille, aussi gourde que sa mère ! Elle est aussi pathétique que toi, qu’aie-je fait pour vivre avec deux encombrantes pareilles ? Je pars travailler, j’en ai assez de voir vos visages de faiblardes idiotes ! 

Son mépris à peine voilé, il tourne les talons pour sortir de la maison en claquant la porte. Les mots durs encombrent une fois de plus le cœur de la maman aux yeux embués de larmes. Elle endure depuis tellement longtemps par amour pour sa magnifique petite fille, pensant naïvement que la présence de son père serait indispensable à son développement. Elle supporte les insultes lancées à son égard mais ce matin, il vient de franchir l’inédit en osant cracher sa violence sur leur enfant innocente. S’en prendre à la fillette est le coup de trop, son emprise et la culpabilité qu’il a distillée en elle commencent à se dissiper en attrapant l’effacement de son sourire candide aux mots de l’ange. Si elle dispose d’une immense culture générale de par l’éducation prodiguée par sa marraine, son innocence ne lui permet pas de comprendre le sens exact du discours paternel mais elle est suffisamment sensible pour saisir sa colère et le chagrin de sa maman. Son ours en peluche dans les bras, elle le tend en direction de la jeune femme, sa voix affaiblie par la fièvre éraillant difficilement les sons. 

-Ne pleure pas, Maman…Tu veux doudou pour te consoler ? 

Émue par sa prévenance et le cœur d’or de sa fille qu’elle adore par-dessus-tout, l’être céleste prénommée Joy laisse les sanglots courir sur ses joues. La douleur cumulée explose sur son visage en une cascade larmoyante et ce n’est que lorsqu’elle sent les tout petits bras de l’enfant entourer son cou qu’elle relève la tête. La sueur grippale coulant sur son front, la fillette a tout juste la force de se relever pour câliner sa maman avec amour.  La serrant contre elle en lui caressant ses longs cheveux couleur de neige, le courage s’infiltrant en son âme, elle chuchote à son oreille toute son affection. 

-Doudou est formidable, ma chérie mais tu es encore plus merveilleuse que lui. C’est de toi dont Maman a besoin, elle t’aime plus que tout. Maman ne veut plus vivre avec Papa, il est méchant. Nous allons partir toutes les deux, tu veux bien ? Repose-toi pendant que je prépare quelques affaires et ce soir, nous dormirons chez Masha, d’accord ? 

Offrant toute sa confiance candide à sa mère, la fillette hoche la tête avec sérieux, ses yeux transparents brillants d’espoir pour la première fois de sa vie. Jamais elle n’aurait osé dire qu’elle n’aimait pas quand son papa crie ou dise du mal de peur d’être grondée mais l’ange aux longs cheveux châtains bouclés lui confirme le fond de ses pensées : le comportement paternel n’a rien de bénéfique ou de normal. Presque joyeuse à l’idée de ne plus vivre avec lui et uniquement avec sa maman, elle s’endort le sourire aux lèvres dans une sieste réparatrice. Remuant la maison autour d’elle sans l’éveiller, Joy réunit des bagages indispensables avant de contacter sa sœur et l’ange gardienne par télépathie. Prévenues de la situation, les deux femmes lui assurent leur soutien, ne doutant pas un instant de sa sincérité lorsqu’elle évoque les violences de son compagnon. Rendant l’enfant androgyne à sa mère, la douce Masha vient chercher les affaires de son amie pour les installer chez elle. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que la mère violentée arrive avec sa fillette semi-endormie dans les bras. La couchant encore fiévreuse dans le lit de la seconde chambre de l’appartement, elle peut enfin se confier plus longuement auprès de Jazz et de la marraine céleste. 

Évidemment, la séparation ne se fait pas sans heurts  et en rentrant dans une maison vide de la présence féminine, le père entre dans une rage folle. Devinant qu’elle s’est réfugiée soit chez sa sœur soit chez son amie, il va frapper violemment à la porte des deux logements, le visage rouge de fureur. Aucune des deux ne lui ouvre mais toutes entendent ses menaces clairvoyantes résonner avec hargne. 

-Tu n’as pas le droit de m’enlever notre fille, sale garce ! Tu vas le payer, je te le promets ! 

Jouant tranquillement avec ses figurines d’animaux dans le salon, l’être au sexe indéterminé sursaute en reconnaissant la grosse voix de son oncle résonner avec une telle virulence. Son corps violemment projeté en arrière, ce dernier s’écroule au sol comme poussé violemment par une force invisible. Un étau enserrant son crâne, ses doigts se portent instinctivement à ses tempes tandis que ses jambes se replient en un réflexe fœtal. Le cœur rongé d’inquiétude, ses parents se précipitent pour l’aider à se relever, notant avec angoisse ses soudains tremblements. 

-Robin, mon trésor, que se passe-t-il ? Tu as mal quelque part ? Dis-le nous et….mais ? Tu as de la fièvre !?

Touchant son front brûlant du bout des doigts, la mère ne cache pas sa terreur sincère devant ces symptômes des plus inhabituels. Attrapant une couverture posée sur le canapé pour réchauffer le tout petit corps, le père observe les gouttes de sueur naissantes avec crainte. Si les mots lancés violemment à l’encontre de leur progéniture les blessent presque autant que la jeune victime, le désir de protéger son innocence n’a jamais été ébranlé au cours de ces années. Sa particularité biologique ne les effraie plus depuis le jour de sa naissance au moment où ses minuscules doigts se sont refermés sur leur peau. Peu leur importe ses doubles organes génitaux et son taux d’hormones équilibré à la perfection, cette spécificité n’inclut pas une maladie contraignante et tout ce qui les préoccupe est que cela ne l’empêche pas de connaitre le bonheur. Qui a envie de savoir s’il s’agit d’une fille ou d’un garçon quand sa présence scénique chorégraphique illumine les alentours de la lumière étincelante de son talent ? Peut-être le couple manque-t-il d’objectivité mais à leurs yeux, il est évident que les arts de la danse sont faits pour son âme au point de s’y personnifier. Si les ballets et autres spectacles chorégraphiés doivent avoir une incarnation, c’est bien en l’enfant au regard aussi hypnotique que les pierres précieuses d’améthyste et de pépite d’or. Si leurs esprits n’en attrapent pas conscience, sa petite voix tendre résonne pour la dernière fois. 

-Je…Je ne sais pas…J’ai eu mal au cœur quand Tonton a commencé à crier…Il n’était pas content du tout, je l’ai senti là…

Désignant l’emplacement de son organe cardiaque en posant la main sur son torse, ses pupilles candides ne perçoivent pas le mystérieux échange de regards entre ses parents. Dissimulant habilement le mauvais pressentiment leur venant instantanément en tête, le duo adulte s’emploie plutôt à déployer des trésors d’imagination pour détourner l’androgyne des possibles dérives de sa redoutable intelligence. Le sommeil papillonnant dans ses yeux vairons, sa couette l’enveloppe pour l’endormir sitôt son crâne posée sur l’oreiller au grand soulagement silencieux des deux anges. Les messes basses se développent dans l’intimité du salon pour devenir des suspicions de crainte auprès de la sœur Joy et de la marraine ange gardienne. 

Hélas, les menaces du papa nouvellement célibataire ne se révèlent pas des paroles lancées sur le coup de la colère et de la frustration. Lorsque la maman vient déclarer leur séparation en demandant la garde de leur fille au motif des violences de son ex-compagnon, elle ne trouve que vide et indifférence à sa souffrance. En revanche, elle n’entend que trop bien les critiques acerbes à son encontre. Comment ose t-elle quitter un conjoint aussi bienveillant et généreux en public ? N’a-t-elle pas honte de diffamer pareils mensonges sur cet exemple de gentillesse ? N’est-elle pas folle à vouloir s’occuper d’une enfant aussi méprisable ? Une telle engeance a besoin d’un père fort pour la recadrer et lui apprendre à respecter les autres ! Sa mère ne ferait qu’encourager ses talents quand les autres enfants ont infiniment plus de mérites que cette horreur immaculée au regard dérangeant ! Il est impensable qu’un homme de cette envergure ait pu la violenter, l’insulter, la rabaisser au rang d’esclave et d’objet, la violer et la frapper ! L’idée du tyran domestique ne peut venir que de son imagination délirante et sa fille, aussi jeune soit-elle, est complice de cette mascarade ! Ni les démarches administratives ni la justice ne les écoutent, les pleurs de la fillette tremblante à la pensée de vivre chez son père ne sont que simulacre et lorsque le verdict tombe, la foi maternelle en des jours meilleurs s’effondre. Son ex compagnon conserve des droits parentaux et de visite sur leur magnifique petite fille dont il a entièrement cessé de s’occuper à partir du jour où elle a ouvert ses yeux de cristal. Au début, il a bien tenté de la défendre contre les langues de vipère sifflantes sur les rumeurs de regard maudit mais le temps passant, il s’est forgé à cette haine irrationnelle et évacué toutes ses frustrations sur sa conjointe. 

Le cœur retourné et la nausée au bord des lèvres, la jeune femme est pourtant forcée de remettre l’enfant à son père lors de visites « réconciliatrices » ordonnées par le juge. À chaque retour, elle récupère la fillette en sanglots et tremblante mais les services sociaux s’aveuglent sur son mal-être, préférant s’acharner sur la mère dont la seule faute est de vouloir défendre sa progéniture. Autrefois très complice avec sa maman, la petite se mure dans un mutisme inexplicable et pique des crises d’angoisses à chaque fois qu’elle veut la déshabiller pour qu’elle prenne son bain. Ses réactions défensives sont si effroyables que l’adulte n’a d’autres choix que de la laisser en autonomie alors qu’elle n’a pas encore ses quatre ans terriens. Son comportement vire au plus étrange dès qu’elle revient d’un séjour chez son père. Elle se jette presque sur la nourriture comme si elle était affamée et ne rechigne plus sur les aliments qu’elle n’appréciait pas avant. Des plaques rougeâtres naissent parfois sur sa peau qu’elle gratte avec avidité dans l’espoir de se débarrasser d’un parasite invisible. Elle croit percevoir des traces d’hématomes sur ses jambes frêles et ses bras mais ses soupçons ne peuvent être confirmés tant l’enfant s’acharne à les dissimuler sous ses vêtements.  Ses rires emplis de joie et d’innocence ne résonnent plus dans la maison louée par l’ange féminine, son premier logement étant gardé par son ancien conjoint sous l’ordre d’une justice complaisante lui ayant reproché de fuir le foyer conjugal. Pour dire vrai, celle qu’elle surnomme « Sisi » n’émet plus le moindre son depuis le jour de leur départ et l’effroyable scène de colère du père derrière la porte de l’appartement de son amie Masha. Ses lèvres se ferment dans un silence effrayant et même les cours prodigués par sa marraine n’arrivent à lui arracher un mot. Dans le comble de l’horreur, les parents de l’être androgyne constatent les mêmes conséquences atroces comme pour suivre une solidarité extrême à l’égard de sa cousine. Son dernier discours a été lors de son brusque malaise en entendant les menaces violentes de son oncle mais depuis lors, ses cordes vocales se sont muées dans une entière discrétion, tout bruit étouffé par la force de sa bouche obstinément close.

À l’extérieur des maisons privées, le quotidien se déchaîne en un concert de méchancetés des plus vivaces. Les bruits de couloir attrapent une ampleur démesurée que leurs proches sont incapables d’embrayer, tout est prétexte à se décharger sur le duo candide. Il se murmure qu’il n’est pas étonnant que le couple parental de la fillette se soit séparé avec une telle impureté sous leur toit ! Sa chevelure enneigée et ses yeux en diamants transpirent le mal à l’état pur, elle tient le malheur au creux de sa main telle la mythique Pandore accusée de tous les maux quand elle n’a jamais demandé à être créée pour porter toutes les responsabilités d’un peuple incapable de la moindre remise en question. Sous l’indiscrétion éhontée du médecin accoucheur brisant volontairement son serment de confidentialité, le secret de la naissance hermaphrodite de l’enfant aux mèches incendie est révélé au grand jour. Son apparence trompeuse, partagée entre fille et garçon, n’est donc pas un leurre mais une aberration biologique, un monstre sur deux jambes ! Ces deux engeances n’auraient jamais dû voir le jour et bientôt, les mamans sont couvertes d’insultes pour avoir refusé de les empoisonner au biberon comme le sage gynécologue l’avait suggéré concernant l’androgyne. Le jour de sa naissance aurait dû être celui de sa mort quand sa cousine aurait dû suivre le même destin dès l’instant où elle a montré ses iris en parfait miroir reflétant. 

Les insultes ne se cachent plus et explosent ouvertement dans un lynchage collectif porté par la haine. Les mots culpabilisants et empoisonnés frappent les âmes enfantines de plein fouet et les premiers coups physiques se rajoutent à cette chanson morbide. Les sifflements de fureur et de mépris résonnent plus fortement à leur passage au profit d’un harcèlement communautaire terrifiant. Peu à peu, la lueur joyeusement enfantine de leurs yeux bicolores et de diamant s’éteint dans une atroce agonie, se vidant de toutes substances de vie. Si leurs doigts s’agitent toujours pour l’écrit, leurs voix semblent sombrer définitivement dans l’oubli comme avalées par un profond désespoir. 

Rongées par l’inquiétude, les deux mamans décident de les emmener sur Terre afin de consulter des spécialistes en psychiatrie infantile, n’ayant plus confiance envers la médecine céleste de par l’odieux gynécologue. En présence des deux enfants dont les singularités sont connues et dépréciées par la quasi-totalité d’un royaume, le risque de tomber sur une personne incapable d’objectivité et refusant toutes formes de soins à leur égard est bien trop élevé. Heureusement pour elles, la particularité biologique de l’androgyne n’a jamais été évoquée directement et aucun test n’inclue de se déshabiller entièrement. Après une batterie d’examens et de séances où le silence se prolonge de plus belle, le diagnostic tombe sur les deux sœurs dévastées. Ardemment touché par le harcèlement quotidien et la séparation violente des parents de la fillette, le duo se mure inconsciemment dans un mutisme total en seule réponse à un violent stress post-traumatique. Si la confiance envers les autres et l’amour sincère envers leurs différences pourraient éventuellement les aider à reparler un jour, les expertes humaines consultées restent pessimistes à ce sujet tant les traumatismes sont profonds. Afin de communiquer au mieux, elles leur suggèrent d’apprendre la langue des signes à défaut d’une oralité claire et efficace. 

Aidée par l’ange gardienne Masha, évidemment mise au courant, la famille apprend la danse des doigts très rapidement maitrisée par les deux chérubins. Une douce bulle magique les entoure désormais en permanence pour s’ériger en traductrice des dessins étranges peints par leurs mains. À l’immense horreur des anges à l’esprit obsédé par la perfection, leurs phalanges tracent des signes gracieux pour palier leur absence de sons. La jalousie et la haine augmentent d’un cran lorsque la communauté constate qu’en dépit de cette faiblesse honteuse, leurs capacités intellectuelles ne bougent pas d’un iota. Si les exercices oraux leurs sont impossibles, l’écrit demeure une valeur certaine et leur marraine adapte ses cours en conséquences. Présentant leurs devoirs en langue des signes, la voix artificielle qui les traduit se base sur leurs gigantesques connaissances linguistiques pour parler divers dialectes humains avec autant de perfection qu’auparavant à la seule différence que leurs lèvres demeurent closes. 

Estimée et reconnue par tout le royaume pour son intelligence alliée à sa puissance de magicienne, la prénommée Masha n’abandonne pas ses deux élèves à la grande rage des autres parents. Qu’elle ait déjà souhaité être leur seule professeure en les retirant du système scolaire classique est déjà une offense mais qu’elle ne cesse de les soutenir alors que leurs gorges se sont tues sonne comme un deuxième affront insupportable. Des flammes brûlantes de mépris et de colère s’allument dans les regards des adultes du Paradis, leurs ressentiments malheureusement imités par leur progéniture élevée dans l’idée qu’elle est supérieure à ces êtres dégoûtants. Les insultes et les coups pleuvent de plus belle à leur passage dans ce jeu délirant du dédain mégalomane. Leurs proches, à l’exception du père de la fillette, ont beau toujours les accompagner, la foule animée par la haine trouve toujours le moyen de leur murmurer mille mots venimeux ou de les isoler quelques secondes pour les marquer de bleus et de blessures plus ou moins graves. Les accusations fantasques s’accumulent tant sur les enfants qu’il n’est pas rare que le couple royal reçoit des missives anonymes demandant leur mise à mort simple et immédiate. Le plus infime de leurs pas est vu comme une atteinte à l’honneur céleste, leur existence est une insulte même à ce parfait idéal fantasmé que les bourreaux se targuent de porter sans même percevoir le paradoxe avec leur comportement immonde où la haine et l’irrationnel règnent. 

Chapitre Quatre : You thought that I would die without ya but I’m livin’


À de nombreuses reprises, les parents encore en amour et la maman ancienne victime de violences conjugales demandent à s’installer sur Terre avec les deux enfants afin de ne plus être en contact avec un environnement toxique aussi traumatique mais leur souhait se heurte à des refus administratifs des plus incompréhensibles. Le plus souvent, leur jeune âge sert de justificatifs à leur supprimer tout désir d’une vie durable dans le monde par-dessous les nuages. En temps normal, seules les personnes adultes ont le droit de séjourner en ces lieux dans le cadre de missions diverses et sauf circonstances exceptionnelles, comme un examen médical dans leur cas, les êtres infantiles ne peuvent y vivre. Même le roi et la reine, pourtant bénéfiques à ce projet, ne peuvent passer outre les lois en le leur accordant quand les autres hurleront à l’injustice ou aux « privilèges handicap » crachés avec mépris par les services sociaux. 

Les faits de maltraitance et de harcèlement se signalent dans le vide par les proches au bord du désespoir. Les anges dont la profession est d’assurer la protection à l’enfance les maintiennent volontairement dans leur cauchemar et y participent indirectement. Pour avoir eu l’audace de naître avec des différences, la destruction de leur être semble ravir la communauté. S’il bénéficie toujours de droits de visites et de garde sur sa fille, le père céleste n’a de cesse de se plaindre de la prétendue cruauté de son ex-compagne et obtient les soutiens de la collectivité aveuglée par le mépris. Pourtant les symptômes de stress post-traumatique se développent inévitablement chez les jeunes victimes. 

Un sommeil perturbé et une nervosité grandissante à chaque approche physique, même venant des proches de confiance, s’érigent en points-communs. Si l’androgyne plonge lentement dans les prémices de troubles alimentaires, son poids plume lui sert aux arts de la danse, seuls exutoires à son mal-être. Bougeant ses bras et ses jambes en rythmes comme pour espérer effacer ses souvenirs cauchemardesques, la beauté chorégraphiée est désormais l’unique chose à lui arracher de légers sourires avec sa cousine. Si cette dernière apprécie d’entraîner son corps en rythme avec l’être aux cheveux roux comme unique partenaire, ses émotions transpirent à travers ses dessins et peintures. Si elle ne sombre pas dans les affres d’une possible anorexie à l’instar de l’hermaphrodite, elle se contente du strict minimum vital en se nourrissant exclusivement de fruits. Lorsqu’elle revient de chez son père, elle parait toujours affamée et en mange plus que d’ordinaire mais d’autres manifestations interpellent sa mère aimante. Alors qu’elle a dépassé les douze ans humains, ses angoisses dégénèrent violemment et les connaissances médicales de sa marraine permettent d’établir un diagnostic effrayant. 

L’ochlophobie, ou la peur extrême de la foule, se construit sur son âme terrifiée et bientôt l’agoraphobie, la crainte de ne pouvoir être secourue ou de s’échapper rapidement d’un endroit anxiogène se rajoute à la liste. Les espaces publics et ouverts lui sont devenus impossibles si bien que sa mère doit la déplacer magiquement pour qu’elle aille chez sa marraine enseignante et annule toutes les visites paternelles à la grande rage de ce dernier. Un matin, alors que Joy vient de déposer l’enfant par téléportation instantané chez Masha, il apparait sur le palier dans un nuage de fumée rougeâtre. La petite réfugiée à l’intérieur de l’appartement avec l’androgyne, leurs oreilles perçoivent inéluctablement les hurlements furieux du père. Accusant son ancienne conjointe de mensonges  et de manipuler leur progéniture contre lui, il s’érige en prétendue victime. La puissance magique de l’ange gardienne arrive enfin à le chasser en bloquant tout accès à son logement mais il est trop tard. Après une journée où des tremblements nerveux l’ont agitée des heures durant, une nouvelle phobie se manifeste le soir-même. 

Venu chercher son enfant aux pupilles violacées et dorées, l’oncle aimant tient à saluer son adorable nièce comme à son habitude mais dès qu’il approche son visage du sien, la pré-adolescente plonge en une violente crise d’angoisses. Griffant les bras de l’adulte mâle dans un geste de rejet évident, sa bouche s’entrouvre en des cris silencieux avant qu’elle ne s’écroule brutalement sur le sol. Le cœur en tachycardie, ses palpitations rapides l’entraînent dans une suffocation dangereuse à la sensation de mort imminente. Des frissons la parcourent et des gouttes de sueur courent sur l’ensemble de son corps mince bientôt torturé par des spasmes musculaires d’une terrible violence. La sensation d’étouffer l’empêche de générer le moindre signe de ses doigts et en moins d’une seconde, les trois femmes et l’homme céleste se regroupent autour d’elle, le cœur pétri d’inquiétude. 

Avant même d’avoir le temps de réagir, l’enfant au sexe indéterminé bascule en arrière dans une chute soudaine. Son dos s’arc-boutant en un mouvement effrayant, tout son être est comme possédé par une force extraordinaire sur laquelle personne n’a de contrôle. Ses hurlements muets s’échappant de ses lèvres ouvertes, les mêmes symptômes observés chez sa cousine se transfèrent en son esprit. Toutes les émotions des alentours lui tombent dessus à la manière d’un couperet tranchant en l’obligeant à se plier en deux, la position fœtale en unique rempart dérisoire contre une souffrance d’origine inconnue. Sous les vagues apaisantes lancées par les quatre adultes, leur rythme cardiaque et respiratoire reprend une musique dite normale après de longues minutes d’angoisses. L’étrange crise épuise tant leurs jeunes corps que le sommeil s’en empare en silence. Les couchant sur un unique matelas, le trio parental rejoint l’ange gardienne dans son salon, le visage blême. S’installant autour de la table, un lourd silence s’instaure comme si le poids des mots devenait soudainement trop lourd à porter. La gorge sèche et la terreur au bord des lèvres, la douce Joy se tourne vers l’amie marraine, des éclats de larmes brouillant ses grands yeux bleus. 

-Ma…Masha…Qu’allons-nous faire si…Enfin, tu connais l’histoire…

Incapable de terminer ses phrases sans trop en révéler, les mots se bloquant dans sa gorge, la jeune femme laisse les sanglots silencieux ravager ses joues. À sa gauche, sa sœur et tante de la fillette immaculée, serre la main de son époux, l’émotion menaçant également de déborder de leur regard. En face, l’ange gardienne les observe avec tristesse et pousse un soupir chagriné en secouant légèrement la tête. 

-Nous savions que ce jour pouvait arriver. Le mieux que nous puissions faire est d’accompagner Syria et Robin dans ce cheminement, les soutenir et les aimer comme nous l’avons déjà fait. Allons dormir, nous avons besoin de sommeil. 

Acquiesçant à ses sages propos, les trois anges se lèvent de leurs chaises pour gagner la chambre collective où dorment déjà les deux enfants. Après une nuit sans histoires, tout le groupe se prépare aux petites lueurs du matin pour se rendre au travail ou faire leurs heures de classe pour le duo. Tandis qu’elle coiffe ses cheveux ondulés devant le miroir, la maman de la pré-adolescente sursaute violemment lorsque le son lourd d’une chute résonne depuis le salon. Courant jusqu’à la pièce de vie, les trois autres adultes sur ses talons, un haut-le-cœur monte jusqu’à ses lèvres devant le terrifiant spectacle. Son petit corps allongé à même le sol et des tremblements saccadés l’agitant comme en pleine crise de possession, l’enfant androgyne ouvre la bouche en des hurlements silencieux de douleur. Se précipitant à son chevet improvisé, le quatuor s’évertue de calmer la crise soudaine quand soudainement, une tâche rougeâtre commence à se dessiner sur son poignet sans aucune blessure apparente. Se relevant aussitôt, sa tante pousse un cri d’effroi. 

-Syria ! 

Sans plus réfléchir, elle bondit sur l’entrée de la salle de bains à quelques mètres de là. Cédant sur ses gonds devant cette brusque violence, la porte ouverte lui révèle un capharnaüm terrifiant. Sur le carrelage glacé, le corps inanimé de sa fille git, des vifs éclats de sang tailladant son bras droit et une paire de ciseaux ensanglantés juste à côté d’elle. Poussant un hurlement d’horreur au même instant que l’être aux yeux vairons perd connaissance dans un mimétisme effrayant, elle a tout de même la présence d’esprit d’appeler les secours d’urgence. Informés de la situation, deux ambulanciers arrivent sur place en quelques secondes grâce au déplacement instantané. Si leur métier les oblige à porter assistance à toute personne en danger, les quatre anges voient tout leur mépris éclater dans leurs yeux lorsqu’ils constatent à qui ils ont affaire. Les deux corps inconscients se transfèrent sur des brancards avec juste le strict minimum de douceurs réservés aux soins basiques. Aux urgences pédiatriques, leur dossier est confié à un duo de médeciennes dont les compétences ne sont plus à prouver dans le domaine. Moins promptes à juger et à harceler des vies innocentes au prétexte de leurs différences, un diagnostic est rapidement rendu tandis qu’une chambre est allouée aux jeunes malades. L’une des spécialistes en médecine enfantine prend la parole auprès des trois parents et de la marraine, une expression sincèrement désolée sur le visage. 

-Vous avez eu d’excellents réflexes, Joy. Votre fille n’est pas en danger de mort et son poignet a été soigné. Néanmoins, ce genre de gestes n’est pas anodin, Syria souffre sans doute d’une profonde dépression au vu des autres mutilations trouvées sur ses bras. Essayez de lui parler à son réveil, elle a besoin de vous. 

Le corps tremblant devant le diagnostic mais soulagée d’apprendre que sa progéniture est encore en vie, la maman hoche la tête, des larmes courant sur ses joues. Soutenue par son amie Masha l’entourant de ses bras protecteurs, elle sanglote en silence. Face au couple élevant l’ange biologiquement androgyne, la consœur pédiatre établit à son tour les résultats de ses examens.  

-Étant donné la spécificité de votre enfant, je n’ai pas pu l’examiner entièrement mais de ce que j’en ai vu, j’en ai conclu deux choses. Je sais que sa corpulence est un atout pour la danse mais je crains que Robin n’ait des tendances à la maigreur excessive. Seulement, il semble que son alimentation soit correcte, elle n’est pas responsable de son poids directement. Vous m’aviez bien dit que les crises de Robin survenaient de façon exceptionnelle et dans certaines circonstances, n’est-ce pas ? Ici, Syria souffrait et sa réaction a été instantanée comme si toute la douleur de la petite se transposait à son corps qui subit des dégâts. C’est une forme d’empathie extrême difficilement contrôlable et à ce jour, notre monde n’a connu qu’une seule personne ayant détenu un tel don en arrivant à s’affranchir des crises en un instant pour n’avoir que le côté empathique permettant de comprendre les émotions ressenties dans un environnement géographique proche. 

Les quatre visages blêmissent en entendant les mots prononcés et la peur s’instaure lentement dans les yeux des parents. Des larmes naissent au coin de leurs paupières pour descendre mourir sur leurs lèvres. D’une seule et même voix, les six âmes se réunissent pour former un murmure tremblant d’émotions. 

-Lucifer….

Chapitre Cinq : Thought that it would be over by now but it won’t stop

L’esprit quelque peu assommé par cet amas de nouvelles, les quatre adultes se rendent à la chambre où dort encore le duo adolescent. Durant des heures, la patience s’étire sans un mot échangé,  la peur de davantage de bouleversements au creux du ventre. Il est évident que leur vie va basculer en cette sombre journée mais jusqu’à quel point. Seule Masha prend le temps de s’éloigner quelques minutes pour aller converser dans le couloir avec une ombre entrevue à la vitre. Après une attente semblant interminable, les yeux de diamant de l’adolescente s’ouvrent lentement sur le monde bientôt suivi par le regard vairon désorienté. Leur marraine répond à leurs questions silencieuses sur leur présence en ces lieux incongrus en expliquant les évènements ayant conduits à cette situation. Répétant les diagnostics des deux femmes médeciennes, elle se heurte au silence, les âmes enfantines plongées dans leurs pensées. 

-En tout cas, je suis infiniment heureux de vous voir…Nous ne serions rien sans vous et nous vous aimons de tout notre cœur. 

Tout à son soulagement de les constater en vie, le père de l’enfant hermaphrodite vient l’enserrer dans une tendre étreinte en embrassant son front. S’emmurant dans son silence habituel, l’être à la biologie ambigüe ne lui répond pas mais ses doigts signent de rapides dessins affectueux, un doux sourire sur ses lèvres fines. L’homme à la chevelure châtain se tourne alors vers sa nièce dans l’idée de lui offrir le même type de réconfort. À peine fait-il un pas dans sa direction que l’adolescente réagit avec virulence. Se dégageant souplement de son lit, manquant de s’arracher les bandages sur son poignet blessé, elle se colle contre un coin de la pièce, les muscles contractés et ses grands yeux de cristal violemment écarquillés dans un tableau de panique. Aussi éberluée que les autres, la regardant avec incompréhension et crainte, sa mère tente de s’approcher lentement, une expression sincèrement inquiète sur le visage. 

-Tout va bien, ma chérie…Ce n’est que Tonton, tu sais qu’il t’aime beaucoup, il ne te voulait aucun mal. Tu n’as pas envie de câlins, c’est ça ?  

Ayant éduquée sa fille avec l’idée que son corps lui appartient et qu’elle est tout à fait en droit de refuser des gestes de proximité ou de familiarité, ce n’est pas sa réaction exempte de politesse qui sidère le plus la jeune femme mais l’angoisse qu’elle lit dans son regard aussi transparent que le plus pur des diamants. S’agglutinant derrière l’espace restreint d’une chaise, la petite secoue la tête avec véhémence, des tremblements nerveux parcourant son corps. Sa langue des signes résonne en quelques mots tracés à la va-vite avant qu’elle ne replie ses bras contre elle dans une tentative dérisoire de bouclier. 

-Non…L’amour et les câlins, ça fait mal…

Les mauvais pressentiments de ces dernières années remontant jusqu’à son cœur, la femme céleste se retient de hurler ou de s’effondrer en sanglots tant elle craint d’avoir compris le terrible sous-entendu. Derrière elle, sa sœur et son beau-frère virent au blême, leurs âmes terrifiées par leur propre interprétation. Si jamais leurs esprits ont raison sur l’horreur se profilant à l’horizon, leurs cœurs veulent encore attraper un dernier espoir. S’agenouillant sur le sol tout en conservant une certaine distance physique avec la fillette pour ne pas la brusquer davantage, l’adulte tente d’établir un dialogue rassurant avec elle. 

-Sisi…Qui est ce qui t’as dit ça ? Tu peux tout raconter à Maman, je te protègerai toujours…

Cachant elle-même son irrépressible envie de pleurer tant elle a peur de la réponse à sa question, l’ange demeure immobile un long moment dans le silence pesant de la chambre. Plongeant dans la mare de cristal constituée par ses pupilles si particulières, elle y trouve une force incommensurable à chaque fois. Durant de longues minutes, sa fille ne bouge pas de sa cachette, se contentant de l’observer au loin avec méfiance et appréhension. Timidement, ses doigts finissent par dessiner quelques mots, ses joues rougissantes. 

-Papa n’a dit…que c’est un checret, n’il faut pas le répéter pour n’être une bonne fille… 

La nausée au bord des lèvres et la colère bouillonnant en ses veines, la prénommée Joy utilise ses ultimes forces psychologiques pour ne pas chuter immédiatement au risque de perdre la confiance de son enfant. Dans son dos, le couple échange un regard terrifié, le visage aussi pâle que les nuages et non loin de la porte, la marraine Masha sent ses jambes trembler sous l’impression que ses pires angoisses prennent vie. Si elle n’était pas ange gardienne, sans doute aurait-elle prié pour que sa folle hypothèse ne soit qu’une théorie sordide fumeuse mais hélas, l’ombre de la vérité approche avec un sourire éclatant de sadisme sur son visage invisible. Le souffle haché par la peur, son amie n’a pourtant pas d’autres choix que d’attraper les rênes de son destin dans un incommensurable courage. 

- Si ce secret te blesse ou est trop lourd à porter, tu peux t’en délester. Papa est adulte et toi une enfant, il ne peut pas exiger de toi de conserver des choses qui te font du mal. Tu te souviens de ce que je t’ai dit quand nous sommes parties de la maison ? Ton doudou est merveilleux mais tu l’es davantage que lui, c’est de toi dont Maman a besoin. Tu seras éternellement ma fille et mon bonheur. 

Avec une infinie patience, ses discours finissent par atteindre le cœur profondément emmuré de l’adolescente. Avec d’infinies précautions, elle s’extirpe petit à petit de son coin sans pour autant se relever. Hésitante, elle continue d’observer sa mère avec une certaine dose d’angoisse. Levant les doigts, elle les dénoue lentement pour tracer l’effroyable histoire aux redans cauchemardesques que les quatre adultes voulaient reléguer à l’imaginaire mais les confessions signées de l’enfant brise leurs derniers espoirs. 


Employant ses propres mots avec hésitations et angoisses, la petite fille avoue innocemment de terribles abus sexuels de son père. Les présentant comme des "câlins" dans un seul but de manipulation, il a préféré souiller à jamais son âme et son innocence pour son seul plaisir égoïste. 
Toujours dans le mutisme oral et très peu bavarde en langue des signes, un double couperet tombe sur le cœur brisé de sa maman à ses révélations. Ses pires impressions confirmées, elle ne retient plus le flot de larmes venant ravager ses joues en un éclat virulent de chagrin. Ayant connu les violences conjugales, elle savait que son ex-compagnon ne ferait jamais un bon père et elle a bien tenté de lui faire retirer son autorité parentale en demandant la garde exclusive mais la prétendue justice ne l’a jamais entendue. Refusant de voir l’évidence avec une fillette traumatisée et une mère fuyant dans l’urgence, l’organisme dit égalitaire s’est acharnée à les présenter comme folles ou menteuses éhontées quand le malheureux conjoint quitté se présentait victime d’une rupture violente et injuste. Pleurant autant de douleur pour l’horreur doublement vécue par l’enfant que de rage envers son ex-mari ayant osé détruire la prunelle de ses yeux, elle sent son cou entourée par les bras frêles de la concernée dans une étreinte solidaire remplie d’amour sincère. 

-Maman, pleure pas…Sisi veut rester n’avec Maman…Sisi n’aime plus Papa…Zuste Maman, Tata, Tonton, Robin et Marraine…

À la fois touchée par le geste de sa fille et honteuse que ce soit elle, l’adulte, qui ait besoin d’être rassurée, la créature céleste la serre contre elle en des gestes tendres n’impliquant aucune mauvaise interprétation. Caressant ses longs cheveux d’un blanc immaculé, elles s’insufflent mutuellement toute leur affection, le murmure maternel s’érigeant en un serment résolu. 

-Tu as le droit de ne plus aimer Papa, il t’a menti et fait du mal…Je te promets que je vais te protéger et que tu ne retourneras plus chez lui. Tu vas vivre avec moi, d’accord ? 

En quête désespérée de soutien et d’amour bienveillant, l’adolescente hoche vivement la tête en s’accrochant à sa mère telle une personne proche de la noyade avec une bouée salvatrice. Durant de longues minutes, la mère et la fille demeurent dans leur bulle en silence, profitant de cette embrassade. Le sens réel de la scène ayant échappé à la pure naïveté de l’enfant hermaphrodite, ses parents lui expliquent ce qui est arrivé à sa cousine avec des mots simples sans lui dire crûment les choses. Comprenant que son oncle a abusé de sa fille et qu’il a posé des gestes interdits sur elle, ses yeux vairons éclatent silencieusement en sanglots et son corps secoué par les tremblements est enlacé à son tour par le couple parental. 

L’ange prénommée Jazz restant dans la chambre, sa sœur, son mari et leur amie Masha prennent immédiatement les mesures qui s’imposent. Avec l’aide des deux femmes médecines spécialisées dans les soins aux enfants, une nouvelle procédure de plainte s’engage. Trouvant une aide inespérée avec ce duo soignant refusant de croire aux rumeurs absurdes courant sur l’être au regard bicolore et la fillette à la chevelure enneigée, la justice est quelque peu forcée de se mettre en marche. Convaincue par l’amour de sa mère et la présence de celle-ci à ses côtés, celle-ci accepte de se soumettre à un examen gynécologique. Non forcée de se déshabiller entièrement, elle est rassurée par les propos des médeciennes lui expliquant toutes procédures et répondant à ses interrogations avant exécution. À l’écoute de ses douleurs et craintes, elles prennent le temps de lui parler mais hélas, les traces corporelles de coups, de privation de nourriture et d'abus ne mentent pas quant à l’horreur vécue. Forte d’un dossier médical attestant ses dires, Joy reprend courage et affronte de nouveau la justice. Cette fois, difficile de fermer les yeux sur des faits avérés de violence. Quoi qu’avec mauvaise grâce, le procureur accepte de porter l’affaire aux plus hautes instances judiciaires sous la pression du couple royal, mis au courant par l’ange gardienne Masha. Bien décidé à défendre l’innocence bafouée, le roi et la reine du Paradis accompagnent les deux familles dans leur lourd combat. 

Publiquement arrêté, le père incestueux est temporairement emprisonné dans un cachot inviolable magiquement dans l’attente de son jugement. Grâce à la souveraine très amie avec la marraine céleste, tout se met en place de manière rapide et efficace. Hélas, le jour du procès, inédit au vu des circonstances, est aussi celui où vont éclater la mauvaise foi et la malhonnêteté dans toute leur splendeur cauchemardesque. Se montrant avocate implacable, la douce Masha se heurte à un public crachant toute sa haine envers la victime. En dépit de son jeune âge, elle est accusée de purs mensonges, de manipulation sur les deux femmes soignantes venues témoigner en sa faveur et après les déclarations de celle-ci, elle est vivement critiquée dans sa prétendue responsabilité dans ses viols. Dépravée et mauvaise, il est évident qu’elle a provoqué son père, il n’aurait fait que répondre à ses demandes insistantes quitte à user de violence dont elle serait friande. Malheureux après une séparation injuste, l’ex conjoint a fini par céder à ses pulsions, arguant que la petite désirait fortement qu’il lui fasse mal et naturellement avide de sexe comme sa mère. Ses pleurs devant leurs commentaires ne sont que simulacres, c’est elle qui est dangereuse et non le mâle accusé. 

Heureusement, sa marraine réfute toutes ces ignobles accusations grâce à ses plaidoiries terriblement efficaces les mettant face à leur contradiction. La foule est forcée de réprimer leur jugement honteux sous l’intervention du couple royal en faveur de l’adolescente. De par les preuves médicales, la juge est forcée de rendre un verdict clairvoyant et ne se laisse pas avoir par l’apitoiement hypocrite du père. Elle-même maman d’une fille ayant l’âge de la victime, elle n’ose imaginer sa détresse si elle avait vécu pareille horreur. Condamnant l’ange masculin à un emprisonnement ferme avec perte de tous ses pouvoirs de deux millénaires, le procès est inédit dans toute l’histoire du Paradis et son rendu suscite davantage de réactions. Vivant chez sa mère, la fillette immaculée tente de reprendre le cours de sa vie entre la classe privilégiée de sa marraine et les visites chez ses proches. Aussi muette qu’à son habitude, ni elle ni l’enfant hermaphrodite ne reprennent oralement la parole. 

Si le jugement a déjà été des plus éprouvants pour une enfant de son âge, les réactions qui s’ensuivent ont définitivement raison de sa santé mentale. Si les choses lui sont cachées, elle sait que sa famille reçoit encore des missives remplies d’insultes, de menaces de viols et de mort sur leur personne ou la sienne. Incitée au suicide ou du moins se laisser assassiner pour le plaisir d’une société refusant son existence, elle s’enfonce davantage dans la dépression et le stress post-traumatique. Si elle ne vit plus avec son bourreau, les traces de ses sévices continuent d’exister à travers son comportement. Déjà oclophobe et agoraphobe par la puissance du harcèlement subi pendant de nombreuses années, se rendre au procès a été une épreuve terrifiante en soi mais les viols incestueux la plongent dans l’enfer de l’androphobie. En dehors de Robin dont l’organisme est un défi à la science rationnelle, elle développe une panique incontrôlable à l’idée qu’un homme l’approche. Nausées, tremblements, respiration douloureuse et attaques cardiaques commencent à lui malmener sérieusement la vie. À la moindre proximité masculine, même celle d’un livreur à la porte de la maison maternelle, elle vire à la crise d’angoisse des plus impressionnantes. Terriblement affecté par le sort de sa nièce qu’il aime comme sa propre enfant, sans aucun mensonge incestueux, même son oncle adoré ne peut venir lui rendre visite à l’improviste tant il lui faut suivre tout un protocole pour calmer sa peur avant d’accepter de le voir. Elle a beau savoir qu’il est bienveillant et oncle exemplaire, elle est incapable de calmer ses peurs en un claquement de doigt. 





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Robin Windrosen
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Robin Windrosen
Robin Windrosen
Mar 14 Sep - 19:00



Robin Windrosen


  After all the darkness and sadness, soon comes hapiness. I'm a survivor !  



• Histoire et Singularité


Chapitre Six : You thought I wouldn’t grow without ya, now I’m wiser

Comme pour lui faire doublement payer l’absence de sa cousine traumatisée, la moindre sortie vire encore plus au cauchemar pour l’ange androgyne. Les coups et les insultes pleuvent de plus belle en dépit de la protection de ses parents. Personnification de l’indécence et de l’horreur, sa simple existence sonne comme une provocation qu’il est nécessaire d’éradiquer. Un énième scandale éclate en manquant de virer au lynchage quotidien quand les bourreaux constatent que ses cheveux semblent gagner en roux flamboyant et que son physique trompeur sème de plus en plus le doute. Pire encore, ses yeux vairons, phénomène unique en leur monde, leur donne une raison supplémentaire de s’enfoncer dans la violence et le mépris. Évidemment las de ce harcèlement fondé sur des préjugés stupides et une peur irrationnelle de la différence, l’enfant tente courageusement de lui résister en assumant son style vestimentaire de plus en plus ambigu. Pouvant se vêtir aussi bien de robes que de jupes, pantalons, tuniques et autres tissus, tout lui sied à merveille dans une apparence alambiquée insupportable aux âmes préconçues sur quelques modèles acceptables et n’osant pas sortir des sentiers battus. Par la danse dont les mouvements captivent malgré eux ses agresseurs et ses agresseuses, bien plus rares que les premiers en quasi-totalité,  ses souffrances exultent dans un cri du cœur silencieux. Hélas, il y a pas pire sourd et aveugle que ceux et celles qui ne veulent pas se remettre en question. Il est tellement plus facile de tout mettre sur le dos de la victime que de faire sa propre introspection et se rendre compte de la contradiction de leurs actes. Soit disant générés par l’amour de leur royaume, ces derniers se cachent derrière ces fausses paillettes pour exploser la haine. Se présentant aux autres comme un peuple tolérant et ouvert, les méfaits sont soigneusement dissimulés sous les sourires de façade.  Le moindre pied posé dehors se transforme en terrain de jeux pour les harceleurs et autres complices hurlant sa mort. Combien de personnes dites « bienveillante » ont voulu lui arracher les yeux au prétexte de leur hétérochromie ? En quelle quantité se comptent les gens ayant menacé d’y faire couler de l’acide pour ne plus voir ces couleurs d’or et d’améthyste ? Les tentatives de meurtres augmentent petit à petit en même temps que les mots empoisonnés en guise d’amuse-bouche à la torture complaisante leur permettant de se défouler sur un être exutoire à leur frustration. 

Son cœur généreux ne se désemplissant jamais, de rares sorties sont encore prévues mais toutes virent au lynchage collectif et crachat de haine à l’état pur. Un soir, alors que ses parents viennent de l’arracher difficilement à une pluie de coups gratuits et de tentative de lui arracher ses yeux vairons, les larmes courent le long de ses joues dans une cascade de frustration et d’incompréhension face à l’exaltation de mépris dont sa personne est l’objet. Pleurant en silence alors que sa mère soigne délicatement ses plaies et que son père caresse ses cheveux roux, sa marraine l’observe non sans cacher le chagrin étincelant dans son regard océan. Sur le canapé à quelques mètres de là, sa cousine adorée sanglote dans les bras de sa tante Joy à l’expression aussi triste que l’ange gardienne. L’enfant à la chevelure de neige ne sort plus de par ses phobies sociales mais elle ne comprend que trop bien les souffrances subies par l’être androgyne.  

-Pourquoi ze suis comme cha ? Ze ne veux plus n’être un monchtre…

Entrant dans la période de la pré-adolescence, son langage auparavant très soigné à l’oral a une certaine tendance à la régression de par la langue des signes magiques. Celle-ci s’adapte aux oralités souvent prononcées comme le céleste au Paradis mais la danse des doigts ne leur permet pas toujours une extension maximale de leurs connaissances, la magie de traduction n’ayant jamais servi jusqu’alors. Le sortilège de transfert entre ses phalanges et le son peine à prendre tout en compte si bien qu’il est encore assez récurrent de voir le [j] confondu avec le [z] ou le [s] naturellement remplacé par le [ch]. Une grammaire somme toute enfantine sonnant adorable aux premiers âges de la vie mais donnant une excuse de plus à leurs agresseurs pour les brutaliser davantage. Comment des horreurs pareilles ont-pu être considérées comme des génies avant que de prétendus traumatismes ne les bloquent dans le mutisme ? Échangeant un regard chargé de tristesse, les quatre adultes ferment les yeux en silence que la prénommée Jazz se décide à briser, son cœur battant la chamade sous sa poitrine tremblante, ses bras entourant sa progéniture rousse. 

-Tu n'en es pas un...tu es magnifique et unique...tu veux savoir à quel point ?

Hoquetant silencieusement, des dizaines de points d’interrogations luisant dans l’or et l’améthyste de ses pupilles bicolores, l’ange à l’apparence androgyne observe sa mère avec inquiétude, ne comprenant pas son soudain désarroi. La voyant sangloter à son tour, l’enfant lui offre une étreinte d’amour non sans cacher son angoisse. L’adolescente immaculée dans le même cas, le duo tente de comprendre l’étrange comportement des trois parents et de leur instructrice aux muscles tendus. Poussant un soupir chagriné, la magicienne Masha se lève de son fauteuil avec lenteur pour se diriger vers un coffre de bois posé dans un coin de son salon. Agitant doucement les doigts, le bruit d’un cadenas déverrouillé résonne et elle l’ouvre avec délicatesse. Sous l’interrogation muette des deux enfants et l’air plus agité des trois autres, elle en sort un objet apparemment construit tout en finesse et en longueur accompagné d’une cape en soi couleur argent au-dessus d’un coussin précieux en guise d’écrin. 

Lorsqu’elle dépose le tout  avec précautions sur les genoux de l’hermaphrodite, elle évite étrangement de croiser ses yeux vairons enchantés par l’afflux de mille questions sans réponses. Lorsque son regard si particulier se baisse vers le contenu mis sur ses jambes, le violet et l’or s’écarquillent dans une expression d’admiration devant la beauté de la découverte. Un sublime arc suintant de perfection repose entre ses cuisses tel un trésor inestimable. La branche intérieure et extérieure est recourbée en une teinte argentée tandis que le corps représente deux ailes immaculées entourant le grip, l’endroit où la personne concernée tient l’arme, d’un bleu envoûtant. Noir avec une ligne de carreaux blancs peints sur le bas, le carquois associé contient déjà une quinzaine de flèches finement taillées. 

-Il est à toi...touche le et tu comprendras pourquoi...

Son âme perdue dans la contemplation de l’extraordinaire présent, le corps frêle sursaute à la demande de sa marraine. Le cœur battant d’incompréhension, sa détresse visible n’empêche pourtant pas ses parents s’éloigner prudemment de son être comme de peur d’attraper une sorte de contagion invisible. Rejoignant la mère de sa cousine, la solitude de l’enfant les déchire intérieurement mais intervenir maintenant ne ferait que les mettre en danger, iels ne sont pas dignes d’approcher pareille merveille. Pourtant, tous les yeux des adultes brûlent d’une confiance infinie comme empreint.e.s d’une certitude millénaire. Déglutissant, ayant l’impression que son rythme cardiaque chante en écho à ses oreilles, sa main droite s’avance lentement comme dotée de sa propre volonté. Une attirance irrésistible semblant émaner de l’arc lui-même lui ordonne d’obéir, une lueur immaculée baignant autour de lui. Incapable de résister à cette force invisible, l’être à la chevelure de feu referme ses doigts dessus et tout bascule. 

Une vive lumière d’or explose dans la pièce et la sensation que ses vêtements se retirent d’eux-mêmes l’oblige à rougir avant qu’un hoquet surpris ne lui échappe sans bruit. À la place de sa tunique d’enfant, une longue chemise bleue au plastron blanc retenu par trois niveaux de fermoirs sombres et un pantalon de toile couvre son corps frêle. Une cape d’étoffe délicate grise tombe légèrement sur ses épaules tandis que sa taille de guêpe est maintenue par une robuste ceinture. Taillée parfaitement dans le moindre détail, une broche représentant une aile traversée d’une flèche s’accroche au tissu dans un accessoire élégant. Des gants noirs aux attaches cendrées complètent la tenue. 

Une fine poudre d’or volète sous ses yeux éberlués et dans une semi-explosion, les minuscules grains se rassemblent pour former le dessin d’une haute silhouette immatérielle. De longs cheveux d’un blond plus pur que les blés tombent avec grâce dans son dos alors que son torse partiellement dénudé laisse voir ses muscles saillants de perfection. Les traits sans défauts de son visage sont presque éclipsés par la noyade occasionnée par son regard hypnotique. Cristallin comme du diamant, seule deux minuscules paillettes d’or osent lui conférer de la couleur mais quiconque croise ces yeux égayés d’une bienveillance infinie sent l’irrésistible envie de s’agenouiller et lui rendre hommage.  Ses lèvres fines aussi délicates que la rosée du matin s’étirent d’un sourire bienveillant comme en perspective des rêves les plus fous. Une toge immaculée aux reflets dorés s’attache à la base de son avant-bras gauche avant de couvrir son bassin et s’épanouir en pur relâchement à l’arrière de ses jambes dynamiques. Des sandales de métal précieux jaune enserrent ses pieds pour monter jusqu’au-dessous des genoux avec raffinement. Une large ceinture de la même composition où sont gravés divers dessins entoure sa taille alors qu’un tissu rouge sombre et platiné chute élégamment sur ses hanches. Une splendide crosse d’argent surmontée d’un croissant de lune brille entre ses doigts. Un bracelet en or orne son poignet gauche et deux anneaux de la même matière s’attachent sur son avant-bras droit. Ses gigantesques ailes de plumes ambrées se déploient avec une beauté infinie dans son dos sous le regard admiratif de l’assemblée céleste. Entrouvrant la bouche, une voix douce s’en extirpe pour donner sa bénédiction. 

-À mon héritier ou mon héritière, je te confie mon premier arc forgé de mes mains. Il recèle des secrets que seul un cœur pur peut déceler, même le maître ne peut y toucher. Si je peux te paraître loin, je serais toujours avec toi. N’oublie jamais que la bienveillance et l’empathie peuvent être plus puissante que la plus tranchante des lames. 

La brume semble être aspirée par l’atmosphère au moment même où le dernier mot est prononcé. L’image fantomatique s’estompe et ses poumons ayant eu l’impression d’être en feu, l’ange hermaphrodite s’écroule sur les genoux, le souffle saccadé ravageant sa poitrine. Inspirant et expirant avec difficultés, sa main aimerait relâcher l’arme de bois mais ses doigts se collent dessus comme irrésistiblement liés à elle. Une autre tentative s’opère sur les étranges vêtements reçus mais ces derniers paraissent visés à son corps et dotés de leur propre volonté. Des perles fiévreuses naissent sur son front dans une bouffée de chaleur insupportable. Des bras puissants soulèvent son corps maigrelet pour le reposer sur le canapé tandis que son esprit lutte pour résister à la vaillante torpeur venant l’envahir. Croisant le regard inquiet de ses parents et de sa tante, la sensation de recevoir leurs angoisses multipliées au centuple en pleine face emballe furieusement son rythme cardiaque. Son dos s’arquant violemment comme possédé par une force maléfique, une vive douleur ravage ses veines et un cri silencieux s’échappe de sa bouche ouverte incapable d’émettre le moindre son. Alors que ses pensées s’abandonnent au sommeil, la main de sa cousine dans la sienne oblige ses yeux vairons à s’écarquiller et demeurer ouverts comme par peur de la perdre. Après de longues minutes de vertiges, nausées et température corporelle plus élevée que la moyenne, ses tremblements nerveux se calment et sa respiration reprend une musique plus normale. Le mal part aussi vite qu’il est apparu sans que ses connaissances gigantesques ne soient capables d’en saisir la portée et encore moins expliquer le phénomène. Arrivant à s’assoir sur le divan, l’adolescente immaculée à ses côtés, ses pupilles bicolores viennent à la rencontre de celles bleu azur de sa marraine. Le sourire de celle-ci vire au rictus mi confiant mi anxieux comme incertaine de ce qu’elle va devoir lui dire. 

-Comme tout le monde ici, tu connais la légende de Lucifer, n’est-ce pas ? 

L’histoire de la plus parfaite des créatures jamais engendrées, le récit de la déchéance de l’être le plus pur n’ayant jamais existé parmi tous les mondes ? Qui l’ignore encore dans le royaume si ce ne sont les nourrissons Premier serviteur et enfant favori du Divin, il était une idole pour tout le monde tant il dégageait de pureté. Beau, érudit, travailleur, puissant, orateur de génie, généreux, bienveillant et d’une extrême intelligence, il suscitait l’admiration partout où il allait. Ayant hérité d’une grande partie de la puissance du Seigneur lors de sa création, il a gagné en maturité physique et magique par sa soif insatiable de savoir. Par ses dons d’observation et sa vivacité d’esprit, il est devenu le plus grand magicien guerrier de tous les temps. Réputé invincible, sa modestie exemplaire l’empêchait d’user et d’abuser de ses talents dans un but malveillant. Hélas, soupçonné de trahison par le Créateur virant paranoïaque de voir son « enfant » s’élever à sa puissance, il est déchu. S’échappant de son bûcher, il a préféré chuter par-dessous les nuages et risquer son existence en filant droit vers l’inconnu. Fascinées par sa prestance et sa perfection, des milliers et des milliers d’âmes l’ont suivi, indifférentes aux possibles dangers et à l’éventualité de mourir. Au grand dam du Tout-Puissant, Lucifer s’est métamorphosé en démon en prenant le nom de Satan, « l’adversaire » en langue céleste et a créée l’empire des Enfers avec l’aide de la foule unie dans sa vénération envers lui. Si les autres anges du Paradis évitent de parler du monde infernal, la gardienne Masha a pu leur distiller quelques informations au fil de ses cours. Feu le porteur de lumière a eu une descendance dont l’aînée est réputée par-delà les frontières. Bien que leurs deux univers soient en guerre de par la fureur du Divin à reconnaitre la vie paisible de créatures qu’il a indirectement crées, celui monté par Satan est toujours des plus prospères à l’heure actuelle. 

-Personne ici n’a connu le majestueux Lucifer mais il semble qu’il ait anticipé sa propre déchéance. Peut-être pressentait-il qu’il allait lui arriver quelque chose mais refusait que le Seigneur efface toutes traces de lui comme s’il n’avait jamais existé. Après sa chute, sa maison a été fouillée et cet arc a été retrouvé. Cependant, tous ceux et celles l’ayant touché ont manqué de sombrer dans la folie après une attaque surpuissante. Apparemment, une image de Lucifer se matérialisait à chaque fois pour avertir du danger à toucher sa seule et unique arme sans avoir le cœur entièrement pur. En dépit de cet avertissement, beaucoup ont essayé dans l’espoir d’acquérir la toute-puissance de la perfection même. La maison elle-même se défendait farouchement contre toute intrusion après plusieurs ripostes de l’arc. Depuis des siècles, personne n’ose l’approcher par respect mais rares sont les anges à connaître l’existence de l’arc. Après bien des difficultés, il a été posé sur ce coussin et enfermé dans ce coffre sans avoir quoi en faire. 

Le crâne pris de vertiges sous ce déluge d’informations délirantes, l’enfant aux mèches rousses tente de secouer la tête pour réfuter le sous-entendu implicite énoncé par la jeune femme. Ce n’est pas possible…comment un objet d’une telle force a pu se retrouver entre ses mains ? Pourquoi n’a-t-il pas repoussé ses doigts comme avec les autres ? L’héritage du plus parfait être que le Paradis n’ait jamais connu, c’est impossible…le porteur de lumière n’aurait jamais élu un monstre comme étant digne de recevoir une arme aussi chargée d’Histoire. Pourtant, sa marraine et le reste des adultes semblent convaincu.e.s du contraire. 

-Le jour de ta naissance, alors que je m’apprêtais à partir voir Jazz et Joy, ce coffret s’est matérialisé automatiquement ici. Ayant été émissaire entre nos deux mondes, je connaissais évidemment l’histoire de cet arc et quand je l’ai vu, j’ai compris que Lucifer revendiquait son héritage. J’en ai averti le roi et la reine mais nous avons décidé d’attendre pour voir si autre chose allait arriver puisque personne ne pouvait le toucher. Lors de vos visites, je sentais que sa puissance se manifestait comme pour crier qu’il vous appartenait. Au fil de tes étranges crises, nous en avons déduit qu’il t’était destiné et ce soir, c’est devenu évident. En dépit de ta souffrance face à toute l’atrocité que tu vis, tu arrives à te relever et à faire preuve de générosité, cette bienveillance dont parlait Lucifer à travers son hologramme tout à l’heure. Il recherchait des personnes capables d’incarner ces qualités qui lui importait tant, ce sont Sisi et toi qu’il a choisi. 

Estomaquée à son tour d’être inclue dans l’étrange récit, la jeune fille aux cheveux de neige écarquille violemment ses grands yeux transparents. Un coup de pied dans l’estomac ne lui aurait jamais autant coupé le souffle que ces révélations abracadabrantes. Son visage virant au blême, elle s’accroche davantage au bras de l’androgyne comme seule bouée de secours dans cette situation délirante et unique point de rattache à un monde rationnel. Hélas, leur marraine ne parait pas en avoir fini avec ce songe fantasque. 

-Si tes crises donnent l’apparence d’une attaque de panique ou d’angoisses, ce n’est pas le cas. Souviens-toi de chaque fois où elles se sont manifestées.  Juste avant, une personne proche géographiquement était en colère, inquiète etc. Tu réagis à toutes les émotions fortes autour de toi, c’est une forme d’empathie extrême. Comme tu es encore jeune, ton corps peine à les accepter et ne peut contenir leur pleine puissance. Il évacue le « trop plein » par des crises et quand elles sont trop fortes, tu peux perdre conscience. Lorsque tu sortais, tu ressentais au centuple la haine de tes bourreaux et évidemment incapable d’en supporter une si lourde charge, il arrivait régulièrement que tu t’évanouisses. Un cocon protecteur t’entoure à ce moment-là et plus personne sauf tes parents ou moi peut te toucher. 

Le choc leur contractant les muscles, le duo n’arrive plus à esquisser le moindre geste et encore moins leur langue des signes communicative. Le surplus d’informations s’analyse dans leur cerveau tournant à plein régime mais malgré leur très haut potentiel intellectuel, les révélations refusent de s’y matérialiser comme réelles. Le corps figé sur le canapé, leur cœur attrape encore l’espoir que l’ange gardienne éclate de rire en leur disant qu’il s’agit d’une plaisanterie mais à leur grand désarroi, elle est plus sérieuse que jamais. 

-Je suis convaincue que si les gens vous harcèlent autant, ce n’est pas que pour vos différences physiques. Vous détenez une puissance latente et une pureté inégalée à ce jour, beaucoup ont pu sentir que de près ou de loin, vous ayez un lien avec le porteur de lumière et cette idée est inconcevable pour ces personnes. Robin, tu as pu toucher l’arc parce qu’il devait te revenir selon son choix. Tu devras en découvrir les secrets par toi-même. Quant à Sisi…tu as vu les yeux de Lucifer sur l’image de tout à l’heure ? Les tiens leur ressemblent énormément à deux minuscules gouttes dorées près. Tu es capable de voir la beauté partout, tu la répands inconsciemment partout où tu passes. J’ignore quand mais votre bienveillance finira par vous sauver…

L’esprit en vrac et le cœur au bord des lèvres, les deux enfants se lèvent pour quitter l’appartement protecteur à la manière d’automates. Ignorant les appels de leurs parents, leurs pas les emmènent sur la plaine verdoyante de monde du marché sans même en avoir conscience. À leur vue, la violence se déchaîne dans un effet de foule impressionnant. L’arc entre ses doigts et tenant sa cousine par la main, l’androgyne plante ses yeux vairons droit sur les poings volant dans sa direction. L’adolescente au regard transparent en fait de même et pour la première fois de leur existence, les pupilles autrefois hostiles se baissent, accablées d’une soudaine honte, à leur passage. Quelques âmes essayent bien de les approcher mais toutes sont stoppées dans leur élan comme impressionnées que leurs victimes osent les affronter avec un calme olympien. Submergé par l’incompréhension, le rassemblement entier les laisse passer comme si une force inconnue leur en criait l’ordre. Rentrant à la demeure du couple parental de l’androgyne, un silence inquiétant s’instaure à l’extérieur comme en prémices de davantage de violence. 


Chapitre Sept : You thought that I would die without ya but I’m livin’

Encore sonné par le poids des révélations, le duo s’enferme dans la chambre de l’androgyne durant quelques jours sans émettre le moindre son. Leurs doigts ne bougent que pour communiquer des mots brefs et se nourrir de temps à autre bien que leur estomac soit retourné. Comprenant qu’il va leur falloir du temps pour digérer cette lourde histoire, leur marraine les dispense de classe mais bien décidée à prouver sa bonne foi, elle prend un risque inconsidéré. Rendant visite à ses élèves, elle tente d’apposer sa main sur l’arc précieusement rangé sur le bureau. Un éclair fulgurant lui brûle les paumes dans de vives coupures avant de la repousser violemment en arrière. Des traces de brûlures et hématomes se forment sur son ventre en signe de représailles et si elle sait que la guérison sera rapide, son geste impressionne suffisamment les deux êtres pour qu’iels osent sortir de leur léthargie psychologique.  Retournant en cours avec elle, leurs connaissances culturelles et intellectuelles n’ont de cesse d’augmenter sans jamais pouvoir les oraliser. 

Trois fois hélas, l’accalmie est de courte durée. Une convocation judicaire informe la petite famille que le procès du père incestueux va être révisé à la demande de ce dernier. Par une quelconque machination, il a réussi à faire appel et parait déterminé à se faire entendre. Déjà fragile sur le plan émotionnel et psychique, le retour au tribunal sonne comme un complot pour la jeune victime aux yeux de cristal. Dans la salle, les chuchotements empoisonnés se multiplient quand ce ne sont pas carrément des cris de haine et d’insultes lancées sans complexes. Ses formes d’adolescente dont une poitrine commençant à être bien généreuse sont des prétextes à la responsabiliser dans ses malheurs. Sournoisement, le public « oublie » que les abus ont commencé quand elle était encore une fillette et qu’elle n’aurait jamais pu « provoquer » le malheureux ange ayant été quitté par sa mère mauvaise. Au contraire, elle est sexualisée et diabolisée à outrances encore une fois à croire qu’elle n’est pas assez enfoncée dans les traumatismes. Si les actes de son géniteur sont impardonnables, la foule les explique par la présence répulsive de l’enfant. Ses longs cheveux de neige et ses yeux en miroir capables de refléter ce qui l’entoure sont un affront à la perfection du royaume, sa simple existence emmène le chaos et le vice. Heureusement, les preuves physiques et le nouveau témoignage des deux femmes médecines confirmant les violences subies penchent une seconde fois en sa faveur. Soutenue par le couple royal, la condamnation initiale s’alourdit encore de plusieurs décennies à la grande fureur d’une grande partie de la société céleste. Le harcèlement reprend avec mille virulences le temps de l’affaire si bien que les nerfs atrophiés de l’immaculée cèdent une seconde fois aux bras sadiques de la dépression. L’absence de soutien de son peuple face à l’évidence la fait basculer dans l’abime le plus profond du désespoir. Ses poignets saignent une seconde fois et sans l’intervention in-extrémis de son oncle, le rictus malveillant de la faucheuse serait venu l’emporter à jamais. Aux urgences, le personnel daigne reconnaître du bout des lèvres que si deux tentatives de suicide à un si jeune âge ne sont pas anodines, les langues venimeuses s’agitent encore. En dépit de la protection du couple dirigeant, de l’ange gardienne, des deux soignantes dévouées et du trio parental, les discours haineux arrivent à ses oreilles ou dans des courriers anonymes, signe de grand courage, la suppliant presque de réussir son coup la prochaine fois quand ce ne sont pas des menaces d’assassinat pures et simples. Elle aurait dû mourir ! Maudit soit le père de l’androgyne ayant trouvé sa nièce à temps ! Si elle y était restée, l’autre aux yeux vairons aurait suivi et bon débarras ! 

Devant la détresse des parents recevant des courriers menaçants et autres injonctions publiques humiliantes, l’ange gardienne Masha prend les choses en main. Le roi et la reine désirant la réengager comme émissaire, elle accepte à condition que son travail soit à temps partiel afin qu’elle puisse consacrer une vingtaine d’heures d’hebdomadaires de classe à ses deux élèves et que celles-ci soient dispensées à la clinique durant tout le séjour de l’adolescente au service de pédiatrie. Veillée par les deux femmes célestes n’ayant jamais eu de préjugés à son encontre, leur autorité médicale repousse toute tentative d’approche potentiellement malveillante. Ayant des troubles du comportement alimentaire, des idées suicidaires et des phobies sociales, ses visites sont limitées qu’à ses proches et le duo de soignantes décidées à s’en occuper à temps plein. Si elles ne l’avouent pas ouvertement, elles sont fascinées par le physique atypique de l’enfant et s’émerveillent de ses talents, sentant leur cœur fondre quand elle accepte quelques pas de danse avec l’androgyne s’érigeant en chorégraphe de génie. En dehors de ses leçons, l’hermaphrodite accompagne sa marraine au palais royal et emprunte quelques livres de la bibliothèque précieuse pour s’occuper.  Si sa venue fait grincer des dents les domestiques au début, tous et toutes s’y habituent bien que leur respect soit surtout dirigé envers la douce Masha dont la puissance magique n’est plus à prouver. 

Des heures durant, les pupilles bicolores déchiffrent les runes célestes, démoniaques et de ska en songeant ironiquement que sans l’enseignement privilégié délivré par l’émissaire partielle, jamais ses connaissances n’auraient pu atteindre pareil exploit. De manière générale, les enfants angéliques n’apprennent pas le démon de peur que leurs esprits soient prétendument pervertis par le peuple ennemi sans compter que personne n’en connait la grammaire complète. Le couple royal et Masha connaissent quelques rudiments et une base utile mais rien de plus. Le ska oral s’enseigne dans toutes les écoles mais l’écriture n’est réservée qu’aux élites diplomatiques afin de préserver le secret des archives et éviter de troubler davantage les esprits par un alphabet des plus complexes. Normalement, l’ange au prénom mixte et sa cousine n’auraient jamais dû apprendre ce dernier mais Masha n’a jamais posé de limites à son enseignement, refusant le moindre tabou et voulant éveiller leur curiosité insatiable. 

Si le harcèlement physique est de plus en plus restreint de par la farouche protection mise autour des deux enfants, il subsiste encore à travers des messages, des insultes, des crachats lancés sur leurs parents etc. Inéluctablement, cet environnement toxique replonge la douce Syria dans une profonde dépression et si sa résistance est légèrement plus grande, l’androgyne vit constamment sur le qui-vive, ses nerfs ne connaissant pas un instant de repos. Tenir jusqu’à leur majorité pour vivre ailleurs vire de plus en plus au fantasque irréalisable qu’au projet déterminé. S’accrochant désespérément à la légende de Lucifer pour se trouver un but viable, l’androgyne consacre des heures à ses recherches concernant les secrets de l’arc légué par la plus parfaite des créatures. Son esprit s’imprègne de toutes traces historiques de son existence mais les sources concernant cette arme sont extrêmement rares tant cette affaire a été tue par ordre du Tout-Puissant n’ayant pas supporté que son ex-favori ait trouvé un moyen de le provoquer au-delà de sa déchéance. En dépit de sa propre force éternelle, lui-même n’a pas osé y toucher, craintif des possibles dégâts que peut provoquer la magie de son ancien enfant préféré. Feu Lucifer étant son égal, seule la résurrection de son fils semi-humain les séparant, l’enfant le soupçonne d’éviter toutes rencontres par pure peur et couardise. Son esprit envisage même la terrible hypothèque qu’aujourd’hui, Satan est sans doute le plus puissant mais le Divin refuse de l’affronter directement pour conserver la face et éviter le risque de tout perdre. 

Chapitre Huit : You thought I couldn’t see without ya, perfect vision

Le lendemain de leur 722ème été, l’équivalent de 13 ans terriens, tout bascule de nouveau pour le duo. La veille, l’adolescente hospitalisée a pu rentrer chez sa maman afin de fêter leur anniversaire ensemble et elle est retournée à la clinique en début d’après-midi. Alors que sa marraine s’affaire sur un quelconque document administratif, l’ange aux hormones parfaitement équilibrés prend place sur son fauteuil de lecture habituel. La plume grattant doucement le papier est le seul son entendu jusqu’en début de soirée. Il est environ 18h lorsqu’un serviteur interrompt brutalement leur quiétude respective, rentrant dans le bureau sans frapper, le visage pâle, le souffle coupé par la panique. 

-Ange gardienne Masha ! Là-bas…SON signe… venez voir ! 

Se levant brusquement, la jeune femme est déjà sur les ponts, ses sourcils froncés en signe de réflexion intense. Ses pensées tourbillonnant à mille à l’heure, elle a tout juste la présence d’esprit d’interdire à son élève de l’accompagner par peur du danger. Quittant la pièce d’un pas pressé, son aura monte doucement en puissance. D’un naturel obéissant, l’enfant n’entend pas contester ses ordres. Se remettant à sa lecture, une étrange impression se glisse autour de son cœur et après quelques minutes, la crise prend de l’ampleur sans qu’il ou elle n’ait le moindre contrôle dessus. Des tremblements agitent ses doigts et jambes, sa respiration se saccade à un rythme douloureux et ses poumons se vident et brûlent à chaque inspiration ou expiration. Ses veines pourraient courir le long du Vésuve en pleine éruption qu’elles n’y verraient aucune différence tant son sang bouillonne. Une affreuse migraine l’oblige à se tenir la tête dans un  réflexe inutile tandis que des gouttes de fièvre naissent sur son front. Dans un hurlement silencieux, son dos s’arc-boute avec violence comme prêt à se briser d’un coup net et son corps s’écroule sur le sol glacé. Sa vision se trouble et son estomac manque de rejeter le peu avalé depuis la veille dans une toux muette effrayante. 

Dans sa souffrance, une seule pensée obsédante arrive à maintenir son esprit éveillé malgré les tortures : Syria. Son instinct hurle qu’elle est possiblement en danger et toute son intuition se dirige vers elle. Si les explications de sa marraine sont réelles alors le don empathique de Lucifer traverse bien son corps pour lui signaler que sa cousine adorée est impliquée dans quelque chose de terrible. L’image de son tendre sourire s’affiche en sa mémoire et la douceur évoquée oblige ses jambes à se relever malgré la douleur. Tremblantes, ses chevilles se maintiennent debout tandis que ses bras s’accrochent au fauteuil pour croitre vers le haut. Ayant l’impression que son crâne se dissout dans de l’acide tant le mal se distille dans ses nerfs, sa force de volonté se bat avec acharnement pour balayer ces signaux de torture. Relevant la tête, une farouche lueur de détermination explose dans ses yeux vairons dans un dessin à la limite de l’effrayant. La sueur de la fièvre coulant encore sur son front, ses pieds s’assurent de leur équilibre sur quelques pas hésitants avant de s’établir en une course ambitieuse. La souffrance n’est que secondaire face à son désir de retrouver à tout prix l’adolescente au regard aussi transparent que le diamant. Sur le chemin, ses oreilles n’entendent même plus les injonctions brutales à s’arrêter ou les insultes à croire que le monde lui-même n’arrive plus à tourner. Percevant les regards écarquillés de terreur et les visages aussi blancs que de la craie, ses interrogations tournent sans réponses durant un instant avant que celle-ci ne lui parvienne avec une évidence sadique. 

En arrivant au-devant de l’hôpital, son nouveau talent empathique lui susurre que la peur serre tous les cœurs des alentours comme une vague noire aspirant toute idée de joie et plombant les âmes d’une détresse terrifiante. Lorsque ses pupilles bicolores se lèvent sur le ciel, son âme saisit avec effroi le pourquoi d’une telle nervosité ambiante. Sur l’infinie toile d’un bleu éclatant, le dessin d’une rose noire se matérialise dans toute sa splendeur angoissante. Le symbole maudit qui inspire mille frissons de craintes tout en chantant le respect de sa puissance. Les corps figés et l’anxiété ressentie partout s’expliquent par la présence fantomatique de la fleur délicatement piquante.

La fille du Malin, l’héritière de Satan, la Rose Noire des Enfers, l’enfante du Diable, la Reine démoniaque, la perfection de Lucifer, bien des surnoms et divers titres la définissent sans que son prénom originel ne franchisse les lèvres apeurées. Rares sont les âmes à l’avoir aperçue mais elle est réputée pour être aussi forte que belle. Les rumeurs chuchotent que ses yeux d’améthyste noient quiconque les croise dans un enchantement naturel auquel toute résistance est superflue. Ses longs cheveux d’un noir bleu envoutant entourent son visage aux traits parfaits. Son corps aux formes harmonieuses serait une ode à la beauté personnifiée tant elle dégage un charme extravagant malgré elle. L’aura du pouvoir ne trompant jamais, tout en elle crie qu’elle est souveraine d’un pouvoir inégalé à l’autorité incontestable. Les bruits de couloirs racontent que le sang a coulé entre ses doigts experts de guerrière. Magie et arts martiaux s’entremêlent en ses combats dont aucune défaite n’a été recensée depuis sa majorité et ses apparitions officielles. Les légendes racontent qu’à ce jour, seules trois personnes sont capables de lui tenir tête et que son père est l’unique être à pouvoir la vaincre directement. Il est écrit que le déchu Lucifer peut l’emporter sur sa Majesté sa propre fille. Aux dires de Masha, elle ne connait que deux rivaux en les personnes de son ex entraîneur, du roi des Enfers lui-même et qu’elle ne compte qu’une seule adversaire féminine à sa hauteur, sa mère impératrice et épouse de Satan. Les malheureux et malheureuses ayant croisé le fer avec elle lors d’une bataille entre les deux royaumes ne sont plus là pour conter son éclat ravageur leur ayant volé le cœur d’un simple coup d’œil. Les rares ayant survécu à son adresse y ont laissé une partie de leur raison si bien qu’à la moindre évocation, une attaque de panique les gagnent en des hurlements déments les suppliant de les épargner.  

Face à une telle menace, le couple royal se tenant à cheval devant le bâtiment n’ose envoyer aucun assaut direct. Elle est réputée si puissante qu’elle pourrait décimer toute la clinique en un rien de temps et massacrer une immense majorité de l’armée avant de repartir. Les anges cloisonné.e.s à l’intérieur de la clinique sont comme des otages et quel duo dirigeant prendrait le risque de laisser ses griffes démoniaque leur arracher la vie si jamais elle se retrouvait contrariée ? Aussi haute soit leur expérience, même leurs militaires les plus aguerries se stupéfient d’angoisses. À quelques mètres de là, les pensées de l’androgyne tournent à la manière de rouages possédés alors que les flammes illuminent toujours dangereusement son regard doré et violacé. Tous les esprits concentrés sur la rose immatérielle flottant au-dessus du toit en un reflet gigantesque, sa fine silhouette s’élance à l’arrière de l’établissement sans que personne ne daigne remarquer quoi que ce soit. 

La peur délicieusement nouée à la détermination de revoir sa cousine saine et sauve brûle en ses entrailles et pique sa tête d’une atroce migraine. Ses petites mains et ses jambes gracieuses s’accrochent habilement au mur dans une escalade surréaliste. De prime abord, ses ailes auraient voulu se déployer naturellement mais outre la métamorphose encore douloureuse à son âge, elles seraient inévitablement repérées par la combattante ennemie. Le sang écorche sournoisement ses ongles et sa peau mate mais ses lèvres se serrent dans une formidable résistance à ses nerfs mal en point. Surmontant avec hardiesse le rebord d’une fenêtre ouverte au deuxième étage, sa corpulence agile de chorégraphe lui permet de sauter dans une chambre sans rencontrer le moindre problème. Ses iris vairons rencontrent ceux d’un homme alité, figé par la peur et des éclats de larmes nerveuses brillant au coin de ses paupières. Tout son corps tremble et ses lèvres répètent à l’infini le mantra maudit « La rose noire » comme pour espérer s’extirper d’un cauchemar malheureusement réel. 

Hochant la tête, l’hermaphrodite céleste agite doucement le poignet droit. Une douce lueur l’entourant le temps d’une seconde, sa tenue d’archerie se greffe à sa peau et son arc rejoint naturellement sa main droite. Si l’utilité de l’objet lui pose encore question, ses propriétés magiques n’ayant pas été découvertes, il sonne comme rassurant avec son dos portant son carquois rempli de flèches. Sortant de la pièce, ses pas avancent en une brûlante résolution se mixant ardemment avec son âme symbole de pureté et d’innocence. Ses pensées sont convaincues qu’à sa place, le vénéré porteur de lumière aurait agi de même et s’il lui a bien légué son héritage, c’est le moment de faire ses preuves. Ses jambes l’emmènent dans les larges couloirs où des dizaines de corps vivants se glissent contre les murs comme pour espérer s’y enfoncer à jamais, leurs ongles griffant le papier peint et les pierres dans un désespoir absolu. Certains sombrent encore dans l’inconscience sous l’influence de l’angoisse. Sur son chemin, la terreur psalmodie les sons des surnoms infernaux s’échappant des visages blêmes. 

Son regard vairon attrape le spectacle dégoulinant d’horreur d’un cadavre couché sur le dos, les yeux grands ouverts dans un dessin de panique démesurée. Son torse lacéré dégage déjà une atroce odeur de putréfaction et la nausée remonte le long de ses lèvres avec écœurement. En dépit de l’anxiété lui serrant le ventre, l’étrange impression de connaître la malheureuse victime ne quitte pas ses pensées jusqu’à ce qu’une implosion de souvenirs lui fasse entrevoir son identité. S’il lui est impossible d’en avoir une mémoire consciente vu l’époque des faits mais ses parents lui ont suffisamment parlé de l’odieux gynécologue ayant voulu l’empoisonner dès sa naissance pour ne pas se tromper. Ainsi, le médecin cracheur de haine a visiblement tenté de s’interposer contre sa formidable adversaire mais elle ne lui a pas laissé la moindre chance. Son empathie naturelle adresse une dernière pensée au courage suicidaire du prétendu soignant mais son cœur ne peut s’empêcher de douter de ses derniers instants. Présenté comme arrogant et détestable par sa mère ou son père, il ne serait pas étonnant qu’il ait fanfaronné en défiant la fille du Malin, certain de sa victoire contre la jeunesse démoniaque. Selon ses calculs, elle aurait environ cinq ou six millénaires, un âge « bébé » comparé à de nombreuses génération célestes ou infernales ayant arrêté de compter les années. 

Si le passage de la mort a de quoi décourager les âmes sanglotant de peur non loin de là, la détermination l’emporte sur l’effroi suscité par ses actions. Le plus important est de retrouver sa cousine adorée et la serrer entre ses bras, quitte à prendre tous les risques. De plus, à l’exception de l’ex-obstétricien, il semble que la reine des Enfers épargne ses otages, sa simple présence suffit à terroriser et sa réputation les fige sous l’influence de la terreur. Au loin, une force monstrueuse aux ombres violacées se fait ressentir et ses pieds avancent instinctivement dans la direction indiquée. Pour combler son acte à la frontière de la pure folie, il semble que l’aura gigantesque se situe à l’étage où est hospitalisée la jeune fille aux cheveux de neige. Pur hasard ou coïncidence, son esprit l’ignore mais son cerveau obnubilé par l’adolescente l’oblige à s’enfoncer davantage dans les couloirs. Déchiffrant les chiffres gravés sur les portes, son cœur lui parait effectuer un saut suicidaire en un double nœud de souffrance, ratant un battement avant de reprendre à un rythme effréné.  La puissance infernale est au prochain tournant ! Pire encore, elle est accompagnée par l’énergie unique de sa marraine. Une voix aussi suave que le chant des oiseaux siffle un amusement féroce face à la volonté de la femme céleste. 

-Essaye seulement, l’ange gardienne ! Viens défier ma lame si tu l’oses ! 

Un semblant de séisme secoue violemment le bâtiment alors que les deux créatures bondissent l’une sur l’autre dans une grâce foudroyante. Un long bâton de combat tournoyant entre ses doigts habiles,  la silhouette ennemie riposte à toutes les piètres tentatives d’attaques magiques de sa professeure privilégiée. En revanche, la sombre sorcellerie lui mord sauvagement la peau en de vives coupures ensanglantées. Se défendant avec toute la volonté du monde, sa prochaine réplique a le mérite de faire réagir sa formidable rivale. Leurs doigts s’illuminant de doré et de violet, des orbes énergétiques se lancent exactement en même temps. Se fracassant mutuellement, le son d’une vive explosion entre des puissances diamétralement opposées résonne dans tout l’établissement en gagnant des centaines de cris de terreur qu’aucune n’entend, concentrée dans leur duel. L’onde de choc les frappe avec une rare brutalité et dans l’angle caché, le corps androgyne lévite pour taper contre le mur de roche en lui arrachant une plainte silencieuse. La douleur oscillant entre le supportable et la torture, sa peau présente de nombreuses plaies externes mais dans un élan de sadisme, ses crises d’empathie l’enveloppent dans un cocon de fièvre ravageuse. Son héritage l’oblige à vivre au centuple les émotions de la douce Masha partagée entre l’angoisse, l’inquiétude, l’espoir et le mal atroce procuré par les coups agiles de la guerrière couronnée des Enfers. L’hémoglobine s’entremêle à sa chevelure flamboyante et sa vue se brouille sous l’afflux des larmes incandescentes courant sur son visage bronzé. Même l’eau salée de ses sanglots instinctifs complote pour lui infliger toujours plus de douleurs. Il lui semble que chacun de ses muscles est plongé dans de l’acide tandis qu’une discrète lueur d’or entoure son arc.   

La souffrance des coups portés à la combattante céleste se répercute violemment sur son corps frêle. Son rythme cardiaque s’accélère en une torture inavouable manquant de lui arracher la poitrine à chaque battement, aussi faible soit-il. Inspirations et expirations brûlent ses poumons tandis son dos s’enfonce davantage contre le mur sous la pression des puissances dévastatrices en plein combat. Son crâne est comme vrillé sous le tsunami de leurs auras lui prodiguant un mal inimaginable. Ses lèvres entrouvertes dans un mutisme désespéré tentent hurler sans lui offrir le moindre son tandis que les larmes coulent depuis ses pépites d’or et d’améthyste. Les bras tremblants, ses doigts se serrent sur le grip de son arme mais ses muscles maigrelets réclament grâce et indulgence. Un sanglot meurt au coin de ses yeux vairons alors que le flou de sa vision semble dessiner une fine silhouette à l’entrée de la chambre de sa cousine. Ses phalanges relâchent la corde tendue et la flèche part dans un doux sifflement sans se préoccuper de son esprit sombrant dans l’inconscience.  

Un gémissement silencieux au bord de ses lippes rosées et sa tête lacérée avec mille violences par une migraine sadique, l’enfant reprend sa place au sein du monde éveillé. L’aura monstrueuse se glisse sur son estomac à la manière d’un coup de poing invisible, la perfection incarnée lui coupant littéralement le souffle. D’ordinaire, ses pensées ne sont nullement portées vers ce genre de penchants, son innocence les préservant de ces intrusions mais à cet instant, tout son cerveau hurle à ses jambes de s’incliner avec un respect virant à la vénération. Heureusement, ses membres tremblants sous l’afflux de la fièvre sont bien incapables d’obéir à un tel ordre. En revanche, ses pupilles ne ratent rien de cet éclat de beauté présenté juste devant ses pieds. 

Un corps tout en harmonie à la taille fine et à la poitrine généreuse lui fait face dans toute sa splendeur. Couvert d’une robe courte en bustier violette sombre, son ventre se colore d’un tissu carmin des plus discrets. Un fil doré s’entrecroise en deux chemins juste au-dessus de son nombril. Une cape à capuche ne cache rien de ses magnifiques longs cheveux d’un noir bleu envoutant tombant délicatement au niveau de ses cuisses. Des sortes de runes en langue démoniaque sont cousues sur de petites parties de sa tenue. Sa main droite tient un long bâton surmonté d’une figure de bois semblant représenter les ailes d’une chauve-souris sans que son regard encore hagard de fièvre n’en soit totalement certain. Son visage aux traits parfaits encadrent des lèvres délicates que bien des êtres rêvent de ne serait-ce que frôler. Un doucereux sourire les étire dans un tableau divin tandis que les yeux aux merveilles d’eau violacée engloutissent l’androgyne dans un déluge ensorcelant comme pour espérer noyer les iris bicolores. 

Sa candeur subjuguée par la splendeur vivante, sa respiration et son cœur ratent un battement le temps d’une seconde. Ses fonctions vitales ne reprennent le dessus que grâce à la toute-puissance de sa volonté. Aussi belle soit-elle, et les rumeurs bien en-deca de la vérité, elle est une ennemie de son peuple si son âme atrophiée par les traumatismes peut encore lui conférer un tel propos. Ses doigts fins effleurant ses mèches ardentes lui arrachent un frisson mi nerveux mi hypnotisé tandis que la démone lui tend sa flèche, un rictus légèrement moqueur aux lèvres, en se penchant légèrement vers ses oreilles. Sa voix aussi attrayante que la beauté fatale qu’elle personnifie murmure quelques mots. 

-Les larmes et le sang possèdent bien des vertus...Tu devrais y réfléchir, on ne sait jamais…

La main guerrière à la peau parfaite frôle les siennes et le temps d’une seconde, son cerveau implose dans un excès d’intimidation. Les doux yeux célestes aux deux teintes clignent rapidement et lorsque son esprit reprend contact avec la réalité, l’attractive silhouette a disparu mais ses doigts spécialistes de la langue des signes enserrent précieusement une fiole remplie d’un liquide rouge et une seconde vide. L’odeur cuivrée reconnaissable de l’hémoglobine lui monte aux narines dans un sursaut d’effroi. La petite bouteille de verre contient des parcelles de sang de la plus parfaite des créatures ou bien ses nerfs en pelote lui jouent-ils des tours dont ils sont friands ? Ne pouvant se départager entre l’ébahissement la curiosité et la peur, ses jambes prennent le relais en l’obligeant à se relever malgré les tremblements. Avançant pas à pas, son ouïe perçoit encore les lointains sanglots et couinements de terreur résonnant dans le lointain. 

Assise sur le sol de la chambre, l’ange gardienne Masha relève un regard emplit de tristesse et de culpabilité à son entrée. Quelques perles ensanglantées gouttent sur son front en espérant tâcher d’impureté ses longs cheveux blonds tandis que sa magie de soins referme les vives coupures douloureuses striant son ventre, ses bras et son dos. Elle aurait littéralement subi une cinquantaine de coups de fouets qu’elle serait dans le même état mais ce ne sont pas les lanières de cuir qui sont tranchantes à ce point mais la seule force brute de la reine des Enfers. 

-Robin, Syria…Je suis désolée…Pardonnez-moi…

Pleurant en silence, le visage baissé, elle peut attraper l’absence de rancune sur les cœurs purs de l’hermaphrodite et de l’adolescente aux mèches enneigées. Il est clairvoyant qu’elle a fait tout son possible contre la fille de feu Lucifer mais les talents guerriers de cette dernière sont réputés invaincus. Par sa seule présence, elle a bloqué tout un établissement hospitalier alors les personnes se jetant désespérément dans un combat au corps-à corps dont elle est une éminente spécialiste sont perdues d’avance. La jeune femme peut s’estimer heureuse d’en avoir réchappée avec sa raison encore intacte à contrario des autres rares survivant.e.s. Les prunelles violettes et dorées se reflètent avec force contre les puissants miroirs des yeux de diamants. Le cristal de ses iris uniques luit de chagrin mais nul regret n’y court en un désir provocateur. Sur son cou, le tatouage d’une rose noire aux pétales pétris de splendeur brille doucement avant de s’estomper comme avalé par la peau naturellement halée par le soleil. Les doigts fins se lèvent et la danse des signes n’en délivre qu’un seul mot. 

-Pardon… 

L’imploration silencieuse résonne en un écho malveillant à travers son esprit tandis que les sanglots courent sur ses joues dans un dessin de pur désespoir. Cédant à l’appel de ses jambes tremblantes, ses genoux manquent de se disloquer sur le sol dans sa chute, sa main se rattrapant aux draps dans un geste crispé. Les pleurs amers lui brûlent le visage et la suite de ses souvenirs s’engouffrent dans le flou. Ses pensées n’attrapent que tardivement que les bras entourant délicatement son torse sont ceux de ses parents en proie à une intense tristesse mêlé à une crainte incommensurable. Sa tante est également présente et sans refuser son étreinte, sa fille laisse ses mains en proie à l’inaction, son regard plongé dans le vide. Se détachant du couple parental, ses pas l’emmènent jusqu’à l’interstice du couloir où ses pupilles tant de fois maudites ont eu le privilège de contempler le charme fulgurant de la souveraine démoniaque sans que son cœur n’éprouve le moindre remord. 

En parlant de l’héritière de l’ex favori du Divin, ses étranges propos lui remontent en mémoire. Les deux petites fioles dont l’une est pleine de sang se dissimulent à la perfection sous sa tunique tandis que ses mains les frôlent dans un sursaut. En principe, suivre les dires d’une prétendue ennemie n’est certainement pas une bonne idée en soi mais qu’est que son esprit a à perdre à les écouter ? Après des mois de recherches, ses rares informations concernant l’héritage de Lucifer se comptent sur les doigts d’une main alors en découvrir tous les secrets relève presque de l’impossible. Aussi démone soit-elle, la guerrière ne semble pas si méchante. Sans douter de sa force de persuasion, elle n’a pas dû discuter longtemps avec sa cousine pour que celle-ci cède à ses injonctions dans un pur désespoir. Si le Divin risque de crier à la fourberie, son instinct lui hurle qu’elle tiendra sa promesse, quelle qu’elle soit. Outre sa perfection, Lucifer était réputé pour son entière honnêteté et sa bienveillance. Même en se métamorphosant et en changeant radicalement de race, l’androgyne doute qu’il ait foncièrement changé de caractère suite à la déchéance. Au contraire, sa marraine ne s’est pas montrée avare de confidences sur le sujet. En tant qu’émissaire, elle a eu l’occasion de le rencontrer à plusieurs reprises et si elle ne l’a pas connu lors de sa vie céleste, elle en dresse toujours un portrait flatteur. Sincère dans tous ses discours, elle n’aurait pas pu lui mentir si bien que la croire sonne comme une évidence. De ce fait, imaginer la fille de Satan être en totale contradiction avec la personnalité vénérée de son père lui semble des plus aberrant. Si elle a prêté serment auprès de l’immaculée en échange de quelque chose, elle donnera tout pour le réaliser. De même, en lui adressant la parole et en lui donnant ces bouteilles de verre, supposer qu’elle a fait ça dans le vide est ridicule. Peut-être est-ce de la manipulation mais au vu de son ascendance, le doute est permis et dans cette triste situation, l’hermaphrodite n’a rien à perdre à essayer. 

Les sanglots courant sur ses joues face au possible avenir attendant l’adolescente aux cheveux de neige, ses doigts attrapent les contenants. Ouvrant le vide, ses larmes tombent à l’intérieur dans un torrent de chagrin. Une fois plein, ses mains essuient son visage dans un geste réflexe avant de revenir s’agripper à son arc.  À l’instant où ses doigts encore légèrement humides entrent en contact avec le bois précieux, une intense lumière dorée illumine l’arme comme s’il était toujours doté de sa propre volonté. Sous sa tunique, la fiole ensanglantée s’agite et suivant son instinct, tous ses mouvements s’exécutent avec mécanisme à croire qu’ils ont fait cela tout au long de sa vie. Attrapant une flèche dans son carquois, le bout tranchant trempe délicatement dans le liquide cuivré et une seconde lueur entoure tous ses comparses dans son dos. Son corps frissonnant est traversé par une délicieuse sensation de puissance et un intense bien-être pour la première fois depuis des années. Lorsque son regard se lève vers la fenêtre du couloir, le léger frémissement s’intensifie dans une dose massive de compréhension. Le voilà l’héritage….

Juste devant ses yeux vairons, la silhouette gigantesque d’un dragon aux écailles blanches et aux pupilles d’un bleu océan troublant se dessine. À la seconde où leurs iris se croisent, les mystères se délient et ses doigts dansent en réaction. Comme si elle avait parfaitement compris sa langue des signes, la créature géante hoche son immense gueule en roulant un grondement presque semblable à un doux rire. Voletant dans l’atmosphère extérieure, le splendide monstre céleste baisse son immense cou en une sorte de révérence respectueuse. Sans être dans la certitude absolue, l’ange aux mèches rousses jurerait l’avoir vu lui adresser un clin d’œil avant de tourner le dos et repartir vers les montagnes attribuées à son peuple comme si de rien n’était. Au loin, un concert de rugissements enthousiastes résonne en écho dans une clameur extraordinaire et cette fois-ci, le doute n’est plus permis. 

L’héritage de Lucifer vient d’officiellement de naître. 





:copyright: Code Anéa - N-U



Robin dans sa tenue d'archerie
Devisla, reine des Enfers
Robin Windrosen
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Robin Windrosen
Robin Windrosen
Mar 14 Sep - 20:00



Robin Windrosen


  After all the darkness and sadness, soon comes hapiness. I'm a survivor ! 



• Histoire et Singularité


Chapitre Neuf : Thought that I would self-destruct but I’m still here

-Mon cœur de maman et de reine saigne à l’idée de délivrer pareil verdict mais nous n’avons pas le choix, est-ce que tu comprends, Syria ?    

Sur son lit d’hôpital, adossée contre son oreiller, la concernée au regard transparent acquiesce machinalement comme profondément las. Autrefois animés de vie, ses yeux ne pétillent plus au profit de sombres pensées. Le goût de l’existence semble l’avoir quittée, bien trop détruite pour les horreurs subies pour avoir l’infime sursaut de volonté de se relever encore une fois. Si elle a pu lui être bénéfique pour qu’elle accepte de passer un marché avec, la visite de la démone a été la goutte d’eau ayant fait déborder le vase. Après avoir été secoué pendant si longtemps, il est normal qu’il se fragilise au point de se précipiter sur toutes les possibles solutions de réparation. Même instable, la sensation d’avoir enfin mis un pansement sur ses maux soulage quelque peu son cœur malmené. En face d’elle, la souveraine du Paradis pousse un triste soupir en se mordant délicatement la lèvre inférieure dans une retenue de ses pleurs. Son époux et elle ont toujours soutenu les deux enfants contre le joug de la haine à l’égard de leur différence mais il lui est impossible de nier les circonstances l’emmenant à émettre cette lourde sentence. 

-Syria, en acceptant volontairement que la reine des Enfers ait une emprise sur ton âme et ayant le tatouage magique de la rose noire comme preuve, tu es reconnue coupable de haute trahison. De ce fait, tu es condamnée à la déchéance avec impossibilité de revenir au Paradis. 

Le diagnostic final parait lui faire ni chaud ni froid tant elle s’emmure dans ses pensées. Pour un ou une ange, une pareille condamnation est limite pire que la mort tant c’est assimilé à un profond déshonneur. Pourtant, à ce jour, la seule et unique personne ayant subi ce sort est Lucifer, l’être tant admiré par le peuple céleste mais haï par le Tout-Puissant, alors pourquoi devrait-elle avoir honte de suivre son chemin ? De ce qu’elle en sait, chuter dans le vide lui a réussi et de toute façon, rien ne pourra jamais être pire que sa vie ici. Si le verdict sonne plus comme une compensation après une existence de souffrance aux yeux transparents de la condamnée, il est un coup de grâce pour ses proches. Pleurant à chaudes larmes silencieuses, l’androgyne la serre entre ses bras maigres. Son oncle et sa tante sanglotent au pied du lit quand sa mère ne retient plus son chagrin. Le visage brouillé par les pleurs, elle pousse un cri déchirant en tombant à genoux sur le sol, le cœur brisé à l’idée de ne plus revoir son enfant. Elle pourra lui rendre visite sur Terre mais elles ne vivront plus ensemble au quotidien. Se noyer dans la mare d’eau cristalline de l’adolescente en se levant et en se couchant était son rituel quotidien auquel elle s’adonnait avec plaisir. Quand le peuple céleste s’évertuait à crier leur haine de ce regard en miroir, elle ne cessait de lui murmurer combien elle l’aime et qu’elle est infiniment fière d’elle. 

-Au vu de ton jeune âge, une concession t’es accordée pour que tu restes ici jusqu’à ton 750ème anniversaire mais tu resteras enfermée chez Masha en attendant et le jour venu, tu perdras tes ailes. Je suis sincèrement navré pour tout ce que tu as du vivre. Personne dans cette chambre ne va te blâmer d’avoir accepté un marché secret avec la reine des Enfers, sa force de persuasion est des plus redoutables. 

Les propos compréhensifs et non-culpabilisateurs du souverain réchauffent brièvement les esprits quand la fillette immaculée se contente de lui adresser un triste rictus en hochant timidement la tête. Ayant déjà toutes les peines du monde à contenir sa crise en présence de deux hommes dans la pièce, elle les remercie intérieurement d’avoir eu la bonne idée de s’éloigner physiquement pour ne pas l’oppresser malgré eux. En dehors de sa famille, excepté son père évidemment, le roi et la reine du Paradis ont toujours été de son côté. N’ayant pas le pouvoir de l’emmener vivre ailleurs avant sa majorité, sauf cas très particuliers comme la déchéance inédite d’une mineure, le couple s’est évertué de la défendre lors de procès ou des campagnes de communication contre le harcèlement. Protégeant également l’hermaphrodite, elle sait qu’elle ne peut leur demander plus. Si les gens découvrent qu’elle est désormais liée à la démone définie comme la plus belle femme de tous les mondes et qu’aucune sanction n’est prévue à son encontre, les violences se dégraderont et elles pourraient ébranler tout le système fondateur de leur monde. De toutes façons, elle ne vit plus vraiment alors elle n’a pas réellement le choix que d’attendre sa chute et voir la suite. D’ici 28 ans, une fraction de temps dans la chronologie des créatures angéliques, elle sera peut-être enfin libre. A-t-elle seulement droit au bonheur ? 

Un peu plus de six mois s’écoule sur Terre lorsque le jour de sa condamnation vient faire basculer son destin. Le public, averti que très récemment de l’évènement, vient en masse assister à son ultime humiliation. Les visages ravis de ses bourreaux sous couvert d’adresser leurs doléances à sa mère lui retournent l’estomac. Elle arrive même à attraper des murmures venimeux se demandant pourquoi l’ange aux yeux vairons ne chute pas avec elle ? Après tout, sa biologie répugnante vaut bien une telle sanction, infliger une telle horreur dans leur univers parfait n’a pas de sens. Désirant presque se faire entendre de leurs victimes, leur rictus vire au sadique lorsqu’elle relève ses pupilles dans leur direction. Seulement et pour la première fois, elle maintient fermement l’accrochage visuel avec une assurance monstrueuse comme pour leur dire silencieusement qu’elle est heureuse de les quitter. Ne supportant pas la puissance de leurs reflets se matérialisant dans ce regard hypnotique, les voir baisser la tête en rosissant lui apporte un bref sentiment de victoire. Après des adieux à ses parents des plus émouvants, l’androgyne la voit enlacer sa mère avec mille affections. Le corps tremblant d’émotions, la douce Joy lui tend un pendentif d’émeraude qu’elle accroche à son cou en lui murmurant quelques mots inaudibles. Leur étreinte est la plus longue et leurs pleurs les plus éreintants quand la promesse de se revoir lie éternellement leurs doigts. 

Lorsque le corps délicat de la jeune fille bascule en arrière dans le profond abîme du ciel, un hurlement silencieux se lit sur ses lèvres comme dernière image gravée d’elle. Éclatant en sanglots, les genoux à même le sol, l’être aux mèches enflammées voudrait se détacher de ce monde cauchemardesque. Les sourires satisfaits de la foule l’entraînent dans une cascade d’écœurement, leurs pensées à peine voilées sur leur désir de voir prochainement sa future déchéance. Pourtant, leurs sollicitudes hypocrites les oblige à adresser leur fausse compassion à la maman éplorée et ses propres parents d’avoir perdu leur nièce comme si de rien n’était. Le choc mental est trop important pour que les trois adultes arrivent à réagir comme à leur habitude. Seule la présence de l’ange gardienne Masha les foudroyant du regard les remet quelque peu à leur place comme des enfants pris en flagrant délit. 

Dès lors, la dépression et le mal-être s’immiscent sournoisement dans l’esprit ambigu de la jeune créature. Abandonnant ses recherches sur l’héritage de Lucifer et délaissant même la danse salvatrice, sa passion première depuis que ses pieds sont en capacité de marcher, ses yeux bicolores perdent toute étincelle de vie qui l’animait encore en la présence de sa cousine adorée. En son absence, sa langue des signes est tout aussi silencieuse que ses cordes vocales et rien n’aiguise plus sa curiosité. Pour les rares fois où ses jambes orchestrent une chorégraphie improvisée exécutée à la perfection,  sa tristesse reprend rapidement le dessus en obligeant ses pleurs à se manifester sitôt la musique arrêtée. Seule sa famille et le couple royal comprend à quel point l’adolescente lui manque atrocement. Bien que la sachant vivante sur Terre, sa marraine ayant confirmée son arrivée à la destination choisie par ses soins, rien n’arrive à combler le profond vide de son cœur. La douce Masha l’accueillant toujours dans sa classe privilégiée, elle remarque bien les fines zébrures rouges commençant à courir sur ses bras en des signes flagrants de désespoir. Si elle tente bien de lui parler avec ses parents et sa tante, personne ne lui arrache le moindre mot tant son mal est évident. Il lui faudra énormément de temps pour panser la blessure béante de son âme lui ayant été à moitié arrachée lors de la déchéance. 

Un soir, un bruit sourd au rez-de-chaussée de sa demeure l’extirpe de sa torpeur dépressive et attire son attention. Des éclats de voix résonnent en des propos incompréhensibles tandis que ses pieds quittent le confort douillet de sa chambre. Posant quelques orteils sur le palier de l’escalier, une profonde nausée attrape sa gorge alors que ses poumons se vident d’air sous l’afflux de l’horreur se matérialisant quelques mètres plus bas. Devant la porte d’entrée, le corps de son père git, le visage éternellement figé en une expression de surprise et de terreur. Le dernier hurlement de sa mère résonne sous la violence de la lame lui déchirant la poitrine en des coups portés avec une haine effroyable. Les yeux noisette embrumés par la folie de son oncle partent à la rencontre de la double couleur des siens et lorsqu’ils tombent sur sa silhouette androgyne sidérée à l’étage, un rictus mauvais étire son visage. 

-Tiens…la monstruosité…Neveu ou nièce, peu importe. Tu mérites le même sort que tes traitres de parents pour m’avoir abandonné lors du divorce avec cette saleté de Joy ou du procès ! 

Bondissant avec une agilité prodigieuse, l’ange adulte parvient jusqu’au milieu de l’escalier avant que l’enfant n’arrive à reprendre ses esprits et que son instinct de survie ne se mette en branle. N’écoutant que ses réflexes, ses talons se tournent dans la fuite et son dos se courbe, la main meurtrière passant à un millimètre de sa tunique avant de se refermer rageusement dans le vide. Bougeant ave toute la souplesse exigée par la danse, son corps évite les premières tentatives de capture. Parvenant à gagner quelques marches, son cou gagne en dextérité lorsqu’il se baisse pour éviter le sifflement du poignard lancé à pleine vitesse dans sa direction. L’objet d’argent tombant mollement sur une courbe de l’étage, plusieurs mètres plus bas, l’assassin en pleine crise de démence pousse un hurlement furieux confinant à la sauvagerie pure. Lorsqu’il saute de nouveau, ses doigts trempés de sang arrivent à attraper le cou de sa proie. Le corps fluet basculant en arrière l’entraîne dans sa chute sans qu’il se préoccupe d’une quelconque notion de douleur. Ses membres raidis par divers hématomes à l’instar de sa victime, présentant également de légères coupures ensanglantées, il ne se concentre que sur ses phalanges enserrant la gorge délicate. Une forte pression comprimant ses poumons, chaque tentative d’inspiration et d’expiration est une torture pour l’androgyne. Son visage virant au blême, ses petites mains tentent de dégager les bras masculins mais la haine dégage une force irrésistible. Des éclats de larmes naissant au coin de ses yeux, la souffrance s’infiltre dans chaque recoin de son être tel un feu d’artifice de très mauvais augure. Pour tout être humain lambda, un tel traitement emmène la mort après trois ou quatre minutes sans respirer ou des séquelles neurologiques graves en cas de survie mais dans le cas d’une créature dite magique, il faut compter plus de temps de par leurs capacités respiratoires supérieures à la moyenne terrienne. Cependant, le jeune âge de l’hermaphrodite joue en sa défaveur, son système organique n’ayant pas encore atteint sa pleine fonctionnalité optimale à contrario des âmes majeures dépassant les mille ans dans son monde. Incapable de respirer, ses jambes se débattent dans le vide comme pour mieux souligner son regard vairon se vidant peu à peu de vie. 

Un bruit sourd résonne et une immense bouffée d’air salvatrice remplit soudainement son corps d’oxygène. La haute silhouette de son oncle s’écroule sur son torse frêle avant que sa vue brouillée par la privation de ses fonctions vitales ne récupère de ses facultés. Le corps inanimé est dégagé mollement tandis que des bras chaleureux l’attrapent avec mille délicatesses. Ses membres tremblant reconnaissent le contact affectueux de sa tante Joy lui caressant le crâne, des pleurs courant sur ses joues. Se serrant contre elle avec l’énergie du désespoir, le choc traumatique lui fait perdre conscience. Lorsque la réalité revient à ses pensées, elle est plus terrifiante que le pire de ses cauchemars. Une couverture chaude est nouée autour de ses épaules sans susciter aucune réaction de sa part. Des draps blancs couvrent respectueusement les corps sans vie de ses parents et de leur meurtrier. La maman de l’immaculée répond à ses questions silencieuses exprimées à travers ses pupilles bicolores. Ayant appris l’évasion inattendue et soudaine du père incestueux, sa marraine Masha et elle ont été saisies d’un fort pressentiment.  Se déplaçant d’abord chez la seconde, l’appartement vide leur a fait craindre le pire. Se téléportant ici, elles se sont précipitées à l’intérieur de la maison. Voyant l’adulte agenouillé, des petites jambes se débattant à côté de lui, l’ange gardienne n’a pas hésité un instant. Mortellement touché par un sort destructeur maîtrisé par les plus hautes puissances du royaume dont l’émissaire fait partie, l’assassin ne pourra plus faire de mal à quiconque. Hélas, son trépas arrive trop tard pour empêcher ceux injuste du couple aimant et protecteur ayant littéralement sacrifié leur vie pour espérer sauver leur enfant au parfait équilibre hormonal. Afin que personne n’ait l’idée de rendre hommage à un évadé coupable de viols et de meurtres, son cadavre sera incinéré sur Terre dans le plus grand secret. Après avoir assisté au massacre de son père et de sa mère tout en ayant survécu miraculeusement à une tentative de meurtre, l’enfant ne cesse de pleurer à chaudes larmes sans pouvoir s’arrêter dans un flot impressionnant que personne n’aura à cœur de lui reprocher. 


Chapitre Dix : I’m a survivor, I’m not gonna give up. I’m a survivor, keep on surviving

Perdant toute notion du temps et du concret, l’hermaphrodite ignore le temps passé à regarder dans le vide sur le canapé de sa marraine. Incapable de percevoir les visites et le monde qui l’entoure, son esprit s’emmure davantage dans la morosité. Endeuillée par la mort de sa sœur et de son généreux beau-frère, qu’elle a toujours plus estimé que son propre ex-conjoint qu’elle a été forcée d’épouser sans réel amour, la douce Joy tente de se montrer dignement courageuse même si son amie Masha doit souvent prendre le relais pour la soutenir. Évidemment, la nouvelle de la soirée tragique se chuchote sur toutes les lèvres par l’indiscrétion du personnel du palais venu s’occuper de la maison salie par la folie et la vengeance. Le couple royal délivre l’information avec un chagrin palpable en confirmant la culpabilité de l’inculpé pour viols incestueux et en valorisant les victimes d’avoir littéralement tout donné pour protéger leur enfant. Suite à ce discours poignant en émotions, le couple céleste commence à ruminer une route de réflexions. Sans le dire ouvertement, le roi et la reine blâment les bourreaux ou complices ayant préféré fermer les yeux sur la violence d’un ange adulte que de défendre deux innocentes victimes. Au lieu d’accepter la différence des enfants et éventuellement éveiller leur curiosité par des questions, la foule a refusé toute remise en question en les traînant dans la boue. Le harcèlement n’a emmené que souffrances et destruction au point d’engendrer la folie rancunière du père et oncle devenu tueur. Sans les encouragements à peine voilés de ses pairs comme quoi l’androgyne et sa fille méritaient la mort, jamais le prisonnier n’aurait eu l’idée de concrétiser les actes odieux dont il s’est rendu coupable. Pleinement soutenu par la société, il s’est senti légitime à brutaliser sa compagne et leur enfant tout en se réclamant victime de leur prétendue méchanceté. À force d’entendre les crachats portés sur la fillette immaculée, la souiller et la détruire par des viols lui a paru être une juste vengeance d’être le père d’une telle engeance. En voyant le chaos orchestré dans l’appartement vide de présence de Joy, il est évident qu’il avait prévu de la tuer avec l’adolescente mais que devant leur absence, il s’est tourné vers sa seconde option en sachant pertinemment que le résultat ferait inévitablement souffrir l’ange ayant osé le quitter. En soutenant son impunité et en justifiant ses actions, la société céleste presque toute entière porte le lourd poids de sa responsabilité collective dans le massacre familial. Une ébauche de tristesse commence à envahir les cœurs sombres à l’idée d’avoir perdu deux anges d’une grandeur exceptionnelle, aimant leur enfant et leur nièce par-dessus tout au point de sacrifier leurs vies pour les sauver. 

Connaissant le caractère de sa cadette, Joy est convaincue que Jazz et son mari avaient deviné les intentions de leur ex beau-frère en le sentant arriver près de leur demeure. Elle avait reçu un ultime message télépathique l’implorant de protéger l’ange au prénom mixte avant de faire face au silence angoissant, la maman expirant une dernière fois dans la douleur et l’angoisse. Cette transmission de pensées lui a permis de se rendre rapidement sur les lieux du crime, hélas trop tard pour sauver sa sœur et son époux mais en extirpant l’enfant des bras maigres de la Faucheuse. Leur sacrifice les honore et plonge dans la honte les trop nombreuses âmes ayant participé au lynchage collectif de cette double progéniture si différente. En dépit de ces mauvais traitements, le cœur d’or et la bienveillance n’ont jamais quitté les esprits candides de leurs victimes. Personnification de l’innocence, la déchéance de l’adolescente aux cheveux de neige avait déjà commencé à les troubler sans arriver à l’exprimer autrement que par une recrudescence des violences et du mépris envers l’androgyne. Le jour de l’oraison funèbre, ce sont les sanglots s’écoulant des yeux violets et dorés qui les plongent dans la culpabilité. La honte changeant de camp, une foule monstre assiste à l’incinération des corps en baissant la tête, les joues cramoisies et les doigts jouant nerveusement ensemble. Des larmes silencieuses courent sur le visage creusé de l’enfant aux mèches incendiaires tandis que ses étranges yeux bicolores assistent à la crémation avec un vide effrayant comme si son âme était littéralement déconnectée de son corps. Lorsque des mains non désirées viennent solliciter les siennes pour présenter leurs condoléances avec une expression compatissante, son cœur rate un battement dans un trouble nauséeux. Quand la mascarade puante d’hypocrisie semble présenter des remords, un profond dégoût lui retourne l’estomac. Peut-être leurs doléances sont-elles sincères vis-à-vis de ses parents mais elles ne sont que trop tardives par rapport au harcèlement vécu sur sa simple naissance. Il est grand temps de leur montrer que leur ascendance et leur esprit pervers de domination ne seront bientôt que des souvenirs. 

Les prunelles violacées et dorées s’écarquillent soudainement et une vive lueur d’argent explose soudainement dans le cimetière sous les cris surpris de la horde céleste venue l’entourer. Des hoquets d’incompréhension et d’angoisses naissent sur toutes les lèvres en constant qu’une tenue d’archerie s’est matérialisé sur le corps frêle de l’androgyne, sa cape lui conférant une allure des plus nobles. Attrapant plusieurs flèches du carquois accroché à son dos avec dextérité, la pointe est rapidement trempée dans une fiole ornant sa ceinture. L’arc est à peine tendu qu’elles filent déjà en un doux sifflement à travers les cieux. Des cris résonnent en un vivifiant mouvement de panique tandis qu’elles volent vers le lointain et que de puissants grondements vibrent en un écho terrifiant. Les nuages tremblent sous les pieds et des sons de course vrombissent dans l’atmosphère. 

Les hurlements demeurent coincés au fond des gorges dans un excès de surprise et de peur. À l’horizon, les gigantesques silhouettes de dizaines de dragons célestes se profilent, leurs gueules géantes s’ouvrant en un concert de mugissements effrayants. Leurs larges ailes déployées, mâles et femelles se posent tout autour de la foule terrifiée tentant d’implorer leur pitié. Les longs cous s’allongent davantage et leurs crocs avides étincèlent dans un dessin cauchemardesque. Sous les regards médusés de l’ensemble des témoins, les têtes monstrueuses s’inclinent en fermant les paupières devant l’enfant. Pleinement sauvages ou en cours de domestication, tous et toutes grondent de plaisir lorsque ses petites mains caressent leur museau démesuré. En un puissant vacarme de bruissements de plumes, des centaines d’oiseaux et de rapaces viennent voleter autour de l’étrange cortège. Passant la « frontière » naturelle titanesque, les volatiles se posent à quelques pas de l’ange au regard bicolore. Loups, renards et autres animaux des forêts courent droit sur la foule pour s’arrêter à ses côtés avec sagesse. Les sabots éclatants des pégases et autres équidés célestes se courbent en de sortes de révérences incompréhensibles. Canidés, félins et diverses bestioles apprivoisées arrivent de tous les côtés pour s’inviter à la fête improvisée.  Les quelques propriétaires de faune domestique dispersée au sein de l’immense tableau tentent bien de les ramener à la raison mais d’un seul instinct, leur attention toute entière se dirige vers l’hermaphrodite. S’écroulant sur les genoux par une utilisation massive et soudaine de son nouveau don, des gouttes fiévreuses courent sur son front tandis que ses inspirations et expirations se font plus rares, ses poumons n’étant pas encore pleinement développés pour supporter une telle charge d’énergie sans broncher. L’observant avec un mélange d’incompréhension, de crainte et de répulsion, quelques murmures de la foule tentent de s’élever mais la voix déterminée de l’ange gardienne les coupe dans leur véhémence, des éclats d’orage se dégageant de ses yeux océan. 

-Il suffit ! Cessez de vouloir vous défouler à la moindre contrariété ! Pour sa différence biologique, par définition inexplicable et incontrôlable, vous ne croyez pas que Robin a déjà suffisamment souffert ? Le harcèlement et la violence ne sont pas une solution ! Depuis quand les bourreaux et complices d’une telle infamie peuvent se proclamer comme des personnes parfaites quand leurs actes signent l’exact opposé ? Vous vous plaignez que Robin réagisse maintenant et réponde à vos attaques après des années de mauvais traitement !? Vous pensez sincèrement qu’un appel désespéré envers la faune est cher payé par rapport à tout ce que vous lui avez fait subir ? Ma filleule Syria a également été victime de votre haine irréfléchie et je vous en voudrais toujours pour ça. Vous avez également votre part de responsabilités dans la mort de Jazz et Zach en préférant défendre un père coupable d’inceste et de violences. Pour ma part, je suis surprise de ne voir une telle réaction à vos agissements que maintenant vu les sévices subies. Présenter vos compassions de deuil à l’une de vos victimes est répugnant d’hypocrisie, au moins les animaux n’auront jamais cette attitude à en juger leur comportement. Je souhaite que Robin trouve son bonheur avec ce nouveau pouvoir sur la faune mais je crains que notre monde soit incapable de lui procurer. 

Le sermon virulent et vibrant de sincérité touche les cibles en plein cœur. La honte et la culpabilité faisant lentement leurs effets, des centaines de regards se baissent vers le sol pour ne pas affronter directement les pupilles flamboyantes de volonté de la jeune femme. Leurs âmes rongées ce pêché collectif et la leçon d’une des magiciennes les plus puissantes de leur monde, un silence gêné leur coud les lèvres. Habituellement, leur fierté n’aurait pas accepté une telle remontrance mais même leur orgueil sait combien elle a raison. Déchaîner leurs angoisses et autres préoccupation sur deux enfants n’a absolument rien de glorieux. Voir des animaux arriver par troupeaux n’est clairement pas une vengeance virulente, leurs actions mériteraient bien pire. Plus jeunes, adultes et personnes plus âgées courbent le dos en direction de l’androgyne, la peau rouge cramoisie et le rythme cardiaque en affolement. Haussant un sourcil surpris par-dessus sa fièvre, leur ancienne proie les observe en silence. Arrivant à se relever lentement en dépit de sa haute température corporelle, ses crises empathiques lui revenant violemment dessus de par les fortes émotions des alentours, sa main s’agite légèrement. Leurs esprits comme gagnés par un ordre silencieux, les animaux s’inclinent une dernière fois avant de repartir vers leur habitat avec un naturel déconcertant. Ses doigts dansent avec grâce pour s’adresser à sa tante et sa marraine. Capturant les mots dits, les deux femmes hochent la tête. Se tournant vers le public, la mère de l’immaculée déchue prend la parole avec courage. 

-Je n’ai pas la prétention de vous pardonner, ni au nom de Robin ni en celui de ma fille. Les maux subis sont trop atroces pour être oubliés en un instant. Ma sœur et son mari aimaient leur enfant par-dessus tout, Syria est la prunelle de mes yeux et vous avez tout détruit. Beaucoup d’entre vous sont parents, vous pouvez comprendre notre amour pour notre progéniture alors pourquoi vouloir nous l’arracher ? 


Incapable de répondre à la question sans plonger dans le fer brûlant de la culpabilité, le silence étreint la foule dans une gêne collective. Aucun ou aucune n’aurait voulu vivre la souffrance infligée injustement aux deux enfants et pourtant personne n’a hésité à participer à ce lynchage communautaire au lieu de tendre la main. Avoir la foi de donner une leçon aux autres sans suivre leurs propres préceptes, l’incohérence et la cruauté de leurs actions sont infiniment difficiles à digérer. Poussant un soupir, l’ange répondant au doux prénom de Joy se tourne vers le couple royal en s’inclinant respectueusement. 

-Vos Majestés, je vous suis reconnaissante de m’avoir accordée le statut de tutrice légale après cette tragédie mais je me permets de vous soumettre une requête. Aussi aimante puis-je être, je sais que Robin a avant tout besoin de Sisi pour vivre et réciproquement. J’aimerais que le privilège de vivre ensemble et sereinement leur soit enfin accordé. 

Ayant toujours eu à cœur la protection des deux enfants en dépit de la pression populaire, la souveraine et le monarque échangent un regard avant d’acquiescer, une flamboyante autorité luisant dans leurs yeux. Normalement, les créatures n’ayant pas encore atteinte leur majorité ne sont pas autorisées à séjourner dans d’autres mondes sans une présence adulte et encore moins pour rejoindre une déchue. En tant qu’émissaire, la douce Masha se charge de retrouver la trace de sa filleule sur Terre et de l’informer de la future venue de l’androgyne. Au vu de ses compétences diplomatiques, elle est également envoyée pour discuter avec la reine des Enfers, normalement aux côtés de l’immaculée puisque leur marché secret est la cause de la haute condamnation. Sous la garde de sa tante, l’enfant attend patiemment le retour de sa marraine. Le cœur regorgé d’espoir de revoir sa cousine tant aimée, une profonde volonté remplace sa virulente dépression. Pour ne pas perturber davantage sa scolarité, ses cours lui sont toujours donnés à domicile mais un jour ou l’autre, arriver à passer le pas d’une classe collective lui deviendra obligatoire. Quelques semaines s’écoulent lentement avant que l’ange gardienne ne revienne de sa mission. Visiblement épuisée par celle-ci et ses longues recherches, elle prend le temps de lui expliquer les conditions de sa future vie. 

Sur le plan légal et administratif, Joy est sa tutrice en tant qu’unique parente adulte encore en vie. Néanmoins, elle ne peut vivre dans l’univers humain pour des raisons obscures, elle est capable de s’y rendre temporairement mais pas d’y séjourner sur le long terme. Allant désormais travailler comme émissaire à temps plein, Masha pourra leur rendre visite de temps en temps mais leur vie quotidienne est malheureusement terminée. Après négociations, la guerrière démoniaque a accepté d’avoir l’hermaphrodite sous sa charge en même temps que l’adolescente aux cheveux de neige. Apparemment, la reine infernale et la jeune chassée se sont réfugiées dans une étrange école. Invisible aux yeux lambda, elle ne s’ouvre que pour toute âme bénéficiant de particularités physiques, biologiques, magiques etc. Sa propre singularité et son pouvoir ne devraient pas poser problème selon la direction.  En convertissant leurs décennies célestes en temps humain, il apparaît que leur âge correspond à la quatorzième année terrienne environ. Pour que ce chiffre corresponde à un niveau scolaire « normal », l’inscrire dans une classe de « quatrième de collège », avant dernière année de l’établissement cité, a paru logique. Comme les anges n’ont pas de noms de famille, il a été nécessaire de lui en inventer un. Bien entendu, son prénom mixte Robin à l’anglophone demeure inchangé mais il lui faut se souvenir de rajouter désormais « Windrosen », la rose des vents en langue allemande, à côté. Officiellement, la prénommée Syria est bien mentionnée dans les listes de classe mais à ce jour, elle n’a pu se montrer physiquement à aucun cours tant ses crises d’angoisses et ses phobies sont puissantes. Pour le moment, elle est enfermée dans sa chambre du pensionnat et suit les cours à distance lors des « bonnes journées ». Quand ses peurs sont trop importantes, la démone lui donne quelques leçons lorsqu’elle-même a du temps, étant nommée professeure d’Histoire humaine et des créatures magiques en charge de plusieurs classes. Il faudra sans doute beaucoup de temps et de patience pour qu’elle retrouve un semblant de sociabilité mais la présence de l’être au regard vairon devra lui donner plus de stabilité émotionnelle. Ensemble, surmonter leurs traumatismes a plus de chances d’être une réussite qu’en solitaire. À contrario de sa cousine ayant conclu un échange avec la fille du Diable, la perte de ses ailes n’est pas envisageable. Néanmoins, la jeune femme lui conseille la prudence et la patience. Pour une personne non adulte, le processus de métamorphose avec déploiement des rémiges peut être extrêmement douloureux et le vol incertain. Son corps n’est pas encore assez développé pour tout supporter sans broncher, le maintien des plumes consommera une énergie folle sur son organisme pubère. Enfin, elle lui suggère de visiter les clubs de tirs à l’arc et de théâtre qui, selon elle, correspondraient le mieux à ses talents. Un doute s’immisce dans son esprit concernant la deuxième proposition, une personne incapable d’oralité ne pourra jamais profiter du jeu de la scène, elle sera même gênante pour le public au vu de son mutisme. Repoussant ces pensées sournoises sans réelles convictions, son cœur se concentre plus sur les informations délivrées par sa loyale marraine. 

Après tout un tracas administratif, la procédure de vie terrienne sur une âme mineure étant inédite, le jour du départ arrive enfin. Après l’affront public lors des funérailles, seules ses deux proches sont autorisées à l’accompagner. Adressant ses adieux sincères au couple dirigeant, avec l’espoir de les revoir un jour, sa confiance s’accorde toute entière à sa tante et la fidèle amie Masha. Avant de partir, Joy demande à lui parler discrètement ce à quoi acquiescer ne lui pose guère de problèmes en dépit de la curiosité provoquée. Une fois à l’abri de tous les regards, elle tend l’une de ses mains et sous ses pupilles bicolores surprises, une délicate paire de créoles en bois noir précieux s’y dessine. Bien qu’ayant que peu de connaissances sur la valeur monétaire terrienne, tout son être combien l’objet est inestimable. Une force millénaire semble s’en dégager doté d’une puissance infinie. Ses iris violets et d’or dessinant des poings d’interrogations, sa tête se penche sur le côté en signe d’incompréhension. 

-Je ne pourrais plus te voir tous les jours comme avant mais je veux que tu saches combien je t’aime au même titre que Syria. Je suis très fière d’être ta tante et n’oublie pas que je serai toujours là pour vous deux. Ces boucles m’ont été offertes par une personne chère, il y a très longtemps et j’aimerais que tu les portes en souvenir de moi. 

Répétant son affection familiale, elle attend patiemment que l’enfant s’extirpe de sa bulle de surprise. Le cœur sonné aussi bien par la richesse du bijou que pour l’émotion du geste, il lui faut quelques secondes avant de revenir à la réalité. En voyant sa tête se hocher sans se départir de ses joues rouges, elle lui sourit avec tendresses. Avec un geste délicat, elle accroche les anneaux en piercings sur son oreille gauche. Les dissimulant ensuite sous une longue mèche rousse, elle dépose un doux baiser sur son front, des éclats de larmes brillants à ses paupières. Il est temps de partir…

Après un trajet rapide effectué par la puissante magie de la diplomate, le trio se matérialise sur une immense plaine vide de toute présence à une exception près. Dans les hautes branches ombrageuses d’un arbre millénaire, les yeux violets hypnotiques l’observent. Le corps instinctivement tendu devant son apparition, sa tenue d’archerie vient se greffer à la place de son ancienne tunique céleste, le carquois dans le dos et son arc à la main droite. Bondissant souplement sur le sol, la combattante couronnée des Enfers l’examine avec attention. Non, ce n’est pas tout à fait sa personne qu’elle regarde mais l’arme mythique. Un rictus amusé étire ses lèvres ensorcelantes et à ce même instant, un frisson parcourt le dos de l’androgyne. Une étrange impression glisse en ses veines comme pour lui susurrer que tous les secrets n’ont pas été révélés. Si aucune preuve n’existe pour le moment, tout son instinct lui murmure que ses rapports avec l’arc ne sont peut-être pas aussi clairs que la légende racontée quelques années plus tôt. Lucifer, créature de perfection et d’admiration, a-t-il vraiment un lien avec cette histoire ? 

Bien des mystères restent encore à découvrir visiblement. L’Académie Natsuyasumi dans laquelle elle l’emmène après un dernier échange avec les deux anges féminines sera-t-elle une des clés permettant de les résoudre ? Peu lui importe, sa cousine adorée se trouve derrière ce gigantesque portail étincelant et c’est tout ce qui lui importe. Tant qu’elle est là, tout ira bien…






:copyright: Code Anéa - N-U


Syria à l'époque de sa déchéance
Robin Windrosen
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