C’était à croire qu’il finirait par ne plus se réveiller. Après sa petite mésaventure dans la montagne, Félicité était resté à l’infirmerie pendant presque 3 jours, ouvrant à peine les yeux pour savoir l’heure et se rouler en boule presque aussitôt. La fatigue et l’épuisement avaient eux raisons de lui. Puis bon… Il y avait également une belle bronchite qui s'était invitée dans tout ceci. De belles réjouissances !

En réalité, cette aventure lui avait quelque peu ruiné le moral. Et cela jouait pas mal sur le fait qu'il ne voulait pas se lever. Mais bon, après la perte mystérieuse de quelques flacons dans l'infirmerie, il se décida enfin a quitter la pièce, sans vraiment prévenir d'ailleurs. Il avait juste… Besoin de prendre l'air, se changer les idées. Et il n'y parvenait pas dans cette infirmerie.

C'était bien beau, mais où pouvait-il donc aller pour ne causer aucune nouvelle catastrophe ? Nulle part a vrai dire… Mais il devait se mettre a la recherche de la prof de sport afin de lui rendre son manteau. Et s'assurer qu'elle n'avait pas passer elle aussi trois jours a dormir. Ah bah oui, il s'inquiétait quand même.  Mais où chercher en fait ?

Il sortit du bâtiment, se retrouvant dans la cour, tapissée d'un beau manteau de neige. Vous voyez les possibilités ? Ce fut donc en avançant doucement, cherchant a ne pas provoquer sa merveilleuse chance inversée qu'il essaya de traverser ladite cour. Oui mais. Nous parlons bel et bien de Félicité. Il n'était donc pas étonnant qu'il se mette a marcher par inadvertance sur une plaque de verglas cachée par la neige.

Ce fut rapide, et le garçon glissa sans pouvoir se rattraper. Il tomba en avant, ayant a peine le temps d'avancer ses bras pour amortir la chute. Et il resta au sol pendant quelques secondes avant de lever la tête vers le ciel.

"Tu ne peux donc pas me laisser tranquille juste un petit peu ?!"

Et bien évidemment qu'il n'obtint aucune réponse. A part quelques flocons qui semblaient s'être perdus par là. Félicité se mit alors assis sur le sol.

"Ou au moins… Que ça se répercute pas sur les autres..."

Il faisait froid, oui. Mais en vrai, il s'en fichait un peu sur le moment. Il finirait par le ressentir assez vite de toute façon. Et au pire, étais-ce vraiment si grave que cela ? Il n'en était pas certain. Il était resté là pendant un petit moment avant d'entendre comme des pas dans la neige. Il ne daigna même pas détourner le regard, mais eu un léger sursaut en entendant la voix qui s'adressait a lui.

Il fixa alors l'adulte qui se tenait a côté de lui. Il ne savait pas si c'était de la moquerie ou du sarcasme, mais Félicité émis un long soupir avant de baisser a nouveau la tête. Bien sûr, il était au courant pour les deux points cités. Il avait juste besoin d'une petite pause. D'une longue pause en réalité.

"Je sais…"

Rien de plus sur le coup. Ca répondait aux deux questions en même temps. Il ne se leva pas non plus. Au moins, il avait l'impression qu'il ne pouvait rien provoquer a rester comme ça, sans bouger. Oui, c'était mal connaître son incroyable malchance pour se persuader qu'un tel plan pouvait fonctionner. Si seulement c'était aussi simple que ça… Il se serait mit en ermite dans un coin depuis bien longtemps.

Il releva alors la tête, fixant Katelyn et regardant les alentours avant de finalement ouvrir la bouche.

"Désolé mais… Vous ne devriez pas rester aussi proche de moi. On ne sait jamais…"

Il avait déjà provoqué de nombreux accidents. Certains assez grave, mais heureusement, il n'avait encore fait aucune victime. Pour l'instant… Enfin, a part rendre un professeur malade… C'était déjà pas mal pour rajouter a son palmarès.

Félicité releva la tête. Bien que non, rester ici ne changera rien du tout a la situation. En général, il passait outre ses petits malheurs. Mais depuis cette aventure périlleuse, il se remettait en question. Surtout en entendant de jours en jours ce que l'on racontait au détours des couloirs. Il chercha quoi répondre, mais ne trouva pas vraiment. A part un non honnête, qui était une réponse logique, rien ne lui vint. En réalité, il avait bien une réponse et une raison a lui donner, mais préféra se taire. Il était juste… Fatigué.

Il luttait depuis maintenant de nombreuses années, sans réussir a canaliser quoique ce soit. Il avait même une sordide impression, que ça empirait même. Et il en avait peur. Oui. Peur de lui-même. Sauf qu'il ne pouvait rien y faire. Il soupira longuement avant de remarquer que la professeure s'était accroupie face a lui. Lui posant la question a laquelle il détestait répondre.  Il hocha la tête lentement.

"C'est tout a fait ça…"

Puis comme soudain pris dans un élan inconscient, il continua tout naturellement, gardant les yeux rivés sur le sol, traçant des petites lignes abstraites sur la neige.

"Je… Ne veux plus blesser personne… Et je sens qu'un jour…"

Il s'arrêta un instant, fixant un point invisible sur le sol, avant de fermer les yeux en soupirant. Il savait que ça finirait par arriver. Son inconscient lui montrait ces derniers temps, qu'il n'y échapperait pas.

"… Je finirais par tuer quelqu'un…"

Et n'importe qui savait que c'était possible, même si ça n'était pas encore arrivé. Se rendant compte qu'il avait plus parlé qu'il ne l'aurait voulut, il leva les yeux pour croiser le regard de la vampire. Avant de le détourner aussi sec.  

"Désolé... Je ne veux pas vous embêter avec mes histoires..."

Dire qu'il ne voulait embêter personne… C'était un peu raté. Mais qui sait, peut-être que ce serait une bonne chose, de déballer un peu ce qu'il avait sur le cœur et dans son esprit. Même si ce n'était pas très réjouissant. Et étrangement, on lui demandait souvent la même chose. Mais il avait déjà essayé par moyen détourné de réduire cette malchance qui le suivait constamment. Il secoua alors la tête.

"Non… Pas vraiment… Mais j'ai déjà essayé quelques petites choses qui n'ont rien changé. Le plus simple… C'est de rester loin de tout et de tout le monde"

Il ne savait pas pendant combien de temps encore il pourrait supporter cette situation. Il trimballait ça depuis tellement longtemps… Il pourrait s'en ficher totalement, passer a autre chose et advienne que pourra. Mais il en était tout simplement incapable. S'il blessait grièvement quelqu'un, il ne s'en remettrait certainement pas. Ce qu'il trouvait plus ou moins logique. Il n'était certainement pas le dernier a plaindre, d'autres devaient avoir pire que lui comme singularité. Il ne devrait pas se plaindre de cela. Mais cette intuition…

Félicité soupira au mots de l'adulte. Oui, peut-être que ça le calmerait un peu. Même si ça ne changerait probablement pas grand-chose, c'était toujours ça a prendre.

"Superstitieux ? Comment ça ? Si vous voulez parlez de prendre des portes bonheur, j'ai déjà essayé et ça ne fonctionne pas… Du moins… Je n'ai pas l'impression… elle s'en fiche…"

Il fixa la neige sous lui, roulant un petit tas pendant qu'il parlait. Occuper ses mains pour se concentrer un peu sur autre chose. Essayer de trouver une porte de sortie. Mais rien. Il soupira a nouveau.

"Vous pensez qu'un jour, je trouverais une solution ? Qu'elle me laissera tranquille ?"

A mesure que Félicité parlait, il sentait de plus en plus, comme une angoisse monter en lui. C’était assez spécial a décrire et lui-même n’y arriverait certainement pas ou avec beaucoup de mal. Comme à son habitude, il cogitait un peu trop. Et lorsque Kate répéta simplement le pronom qu’il avait donné, il hocha la tête, sans rien ajouter de plus. Pourtant, c’était déjà le début d’un changement en lui. A force, il avait réussi à s’en persuader. Quelque chose lui en voulait. Ce n’était pas possible autrement. Et même si elle ne s’était pas encore montré, elle était présente, attendant le bon moment pour frapper.

Un début de paranoïa ? C’était possible. A moins que ce ne soit réel. Il ne savait plus. Mais cette malédiction devait bien venir de quelque part. Il en était sûr et certain ! Et là professeur confirma une partie de son hypothèse. Elle le suivrait jusqu’au bout. Un frisson le parcourut subitement. Il le savait. Il serait condamné à semer la misère et la malchance autour de lui. Il s’était attendu à cette réponse de toute manière.

« Vous pensez ? Ça me parait trop beau vu comme ça… Mais ça ne coûte rien d’essayer… »

Même si au fond, il venait déjà de se résigner. Bon, ça faisait quelques temps maintenant. Et les récemment événements ne faisaient qu’accroître son point de vue. Mais il ne savait pas. Il ne savait plus. Et toujours assis sur la neige, le froid l’agressait un peu plus. Pourquoi ruminait-il maintenant ? Il avait perdu son objectif du jour en un instant.

« Madame Grimroy... ? »

Il marqua une pause. Comme hésitant à continuer. Un temps passa avant que finalement, il ne baisse à nouveau la tête.

« Je suis fatigué… Et terrifié… »

Lui-même ne saurait dire pourquoi ces mots sortaient soudainement. Mais il fallait bien qu’un jour, ils le fassent. C’était certainement l’occasion après tout.

Félicité hocha la tête après avoir écouté la professeure. Elle semblait parfaitement le comprendre et cela le rassurait d’un côté. Peur d’aller à l’organisation ? Complètement. Et pas que à cause de sa singularité. Il ne savait pas trop pourquoi, mais ça l’angoissait un peu. Enfin, il était surtout très impressionné.

« Merci beaucoup… Je le ferais sûrement »

Puis après ses dernières paroles, il s’était contenté de fermer les yeux en soupirant. Il ne parlait pas facilement de ses états d’âmes, mais allez savoir pourquoi, cette fois c’était différent. Juste en parler un peu. En vrai ce n’était pas si mal. Il ne remarqua même pas qu’elle s’était rapproché. Il le fit seulement lorsqu’elle le prit dans ses bras. Félicité se figea un court instant, avant de finalement se plonger dans l’étreinte. Tant pis pour la distance. Tant que rien ne frappait à cet instant précis, tout irait bien. Mais étrangement, il n’y pensait même pas.

Il se contenta d’écouter, sans rien dire et sans bouger. Bon sang, cela lui faisait un bien fou. Plutôt étrange comme sensation. Mais il n’était pas contre, bien au contraire. A quand remontait la dernière étreinte ? Ah oui. Le jour où il était parti de son île natale. Le dernier contact avec ses parents. Ah ! Il en deviendrait presque nostalgique. Mais se retenait, tentant de se concentrer sur les paroles prononcées par la professeure. C’était… rassurant. Et en même temps, ça le faisait réfléchir un peu à la situation.

Il regrettait presque qu’elle le lâche, mais ne chercha pas plus. Être comme ça lui était déjà pénible. Elle était si gentille avec lui… Pourtant, ça ne semblait pas aussi facile qu’elle le disait. C’était insurmontable dans son esprit.

« Merci… Vous êtes vraiment compréhensive… Et vraiment très gentille… »

Puis, il regarda rapidement autour de lui. Ça confirmerait sûrement certains dires ou pensées énoncés jusqu’à présent. Félicité se sentait étrangement en confiance. Et il sentait qu’il pouvait vraiment se libérer de certains poids.

« Oui… Elle… Je l’ai vu un jour… Dans un rêve, Non ! Un cauchemar plutôt. Elle ne me lâche pas… j’ai même l’impression qu’elle est réelle et qu’elle me suis, cherchant le meilleur moment pour agir, jusqu’à ce qu’elle réussisse… »

Et c’était cette finalité qui l’effrayait. Il n’avait jamais parlé de ses rêves. Ni de celui qu’il faisait régulièrement. Il en avait bien trop peur. Il était persuadé que c’était prémonitoire. Et il était persuadé qu’Elle se terrait dans l’ombre, attendant patiemment.

« La fortune… La providence… La félicité… l’avenir et la chance, c’est ce que ces mots veulent dire, non ? Même mon nom n’est qu’une blague… »

Il soupira et garda le silence quelques instants. Avant de finalement se rendre compte qu’il parlait un peu trop peut-être. Il se redressa et regarda l’adulte brièvement avant de détourner à nouveau le regard.

« P-pardon… c’est sorti tout seul… Je ne veux pas vous déranger plus avec ces histoires… Vous m’avez déjà beaucoup aidé… »

Dit qu’à la base, il voulait juste aller voir Tori pour prendre des nouvelles et s’excuser à nouveau pour la mésaventure…. À la place, il était assis dans la neige à parler de ses inquiétudes.

C'était tout de même étrange. La façon dont il venait de se confier a sa professeure. Par confiance ? Ou par besoin d'évacuer la pression ? Surement un peu des deux. En tout les cas, il était partagé entre le regret et le soulagement d'avoir trouvé quelqu'un de confiance a qui parler de tout cela. Car c'était sans doute quelque chose qui n'arriverait plus de sitôt. Déjà qu'il ne fréquentait quasiment plus personne, il ne parlait pas des masses en dehors des cours. Et encore…

Son visage ? A Elle ? Il baissa la tête, regardant comme furtivement autour de lui. Comme si Elle allait surgir d'un coin de la cours subitement. Ce n'était sans doute que le fruit de son imagination, mais sait-on jamais. Il commençait vraiment a y croire petit a petit.

"En fait… Non… Pas vraiment, c'est plutôt comme… Un gros chien ou un gros loup. Elle n'a pas l'air humaine…"

Pas sûr que cette information soit très utiles en soit. Si c'était bien là, une bestiole sortie de ses rêves, il n'y avait rien de plus a chercher. Mais ça, il n'en savait que trop rien. Rêve ou réalité ? L'avenir lui apporterait certainement la réponse. Mais il était certain que sa singularité devait bien provenir de quelque part.

"A vrai dire… Jamais. C'est la première fois… Je n'en ai parlé a personne… Qui ça intéresserait des histoires pareilles ? Tous le monde a ses soucis je ne vais pas en rajouter."

Peut-être pas la bonne solution a suivre, mais c'est ce qu'il voyait de mieux. Au moins pour l'instant. Puis soudainement, et voulant certainement changer de sujet sans réellement s'en rendre compte, il releva la tête ver sa professeure.

"D'ailleurs… Je voulais voir Mme Murazaki. J'espère qu'elle va bien et que je ne lui ai pas causé trop de problème… Et… Je voulais lui rendre son manteau surtout. Vous savez peut-être où je peux la trouver ?"

Et accompagnant ses mots, il tendit ledit manteau qu'il avait trimballé avec lui jusqu'ici sans le mettre. Ah bah non, ce serait trop facile ! Il ne pourrait pas se geler un peu plus qu'il ne l'était déjà, voyons.

Félicité avait cette impression d'en avoir un peu trop dit. Surtout en voyant les mimiques de la professeure. Pourvu qu'Elle ne le prenne pas mal… Bon de toute façon, il n'était plus a ça près. Peu importe ce qu'il fasse ou dise, elle saurait déjà lui rappeler qu'elle est là. Tant qu'Elle laissait les autres tranquille… Quitte a se focaliser a fond sur lui. Car oui, il s'en voulait de ce qu'il s'était passé dernièrement. Comme pour tout ce qu'il avait déclenché jusqu'ici.

A la remarque de la professeure, Félicité hocha la tête. Bien sûr qu'il le savait, mais il n'osait simplement pas. Surtout que pour lui, c'étiat récurent et ne pouvait pas s'arranger si facilement. Enfin… Certaines conséquences si, probablement.

"Merci beaucoup… Je n'osait pas jusqu'à maintenant mais… Ca fait du bien d'en parler quand même… Je pourrais venir vous embêter de temps en temps ?"

C'était peut-être un premier pas qui actionnerait un changement. Futile peut-être, très probablement, mais au moins, c'était un pas en avant. Une fois le manteau donné et le tapotement passé, il daigna enfin se relever. Il manqua de retomber en arrière mais se stabilisa avant de regarder Katelyn, avec un léger sourire.

"Merci. Si vous pouviez lui dire que je suis désolée de ce qu'il s'est passé… J'irais la retrouver dès que tout ira mieux"

Et bien qu'il serait resté sans problème a se geler dans la neige, il commençait a avoir un peu trop froid. Et Katelyn en le laisserait surement pas se congeler sur place. Il remettrait ça a une autre fois. Ou pas.

"Merci de m'avoir écouté. Je vous prend du temps… Il fait un peu trop froid quand même ici… Je vais peut-être rentrer, ce sera mieux. A bientôt Mme Grimroy. Et merci pour le manteau"

Puis après un léger sourire et un hochement de tête, il pris le chemin de l'intérieur. D'ailleurs, a mi-chemin, il recommença a éternuer. Il n'y avait pas a dire, il n'avait pas choisit le meilleur moment pour sortir. Bon… L'infirmerie devait s'inquiéter de sa disparition, non ? OU allait-il peut-être briser leur joie de ne plus l'avoir dans les pattes…