Avril, année de seconde, trois ans plus tôt




Oh, la loose. Premier cours de l'année, Sport. Pourquoi tant de haine ? Et dès le matin en plus, à peine levé du lit qu'il faut déjà que j'enfile mes baskets qui avaient évidemment patienté tout l'été dans mon placard (et qui du coup sentent légèrement le fennec). J'ai pas enviiiie... Limite je préférerais un cours d'histoire, ou même de Japonais plutôt que de faire du Sport... M'en fous qu'il fasse beau et que l'air soit doux. M'en fous que ce soit le premier cours de l'année... J'ai juste pas envie... En plus chuis dans une classe où je connais presque personne, c'trop nul pourri. Du coup ben je me suis mis tout derrière, avec mes baskets qui puent, mon short trop grand et ma capuche sur la tête. Les poings dans les poches, je boude.


Le prof qui commence à nouveau expliquer le programme de l'année avec tout plein de sports différents dont la plupart impliquent beaucoup d'efforts et de transpiration. Pff... J'ai pas enviiie. Et en plus, pour se mettre en jambe, de la course histoire de bien se secouer dès le matin et de choper la gerbe. C'trop nuuuul. En plus, ya une fille qui arrête pas de se retourner vers moi en souriant. Elle me fait peur et du coup je rougis. J'enfonce ma tête dans mon sweet en espérant y disparaître. Là où je pourrais bien disparaître ce serait sous ma couette. Oh oui... Ma couette... Pourquoi tant de haine ?!


Le prof finit de parler et donne un coup de sifflet. Tout le monde part alors je m'élance aussi. Deux tours de piste il a dit ? Plus vite c'est commencé, plus vite c'est fini. Je prends mon rythme en dépassant le groupe de la fille qui me regardait. Le tas se met à glousser et j'accélère encore, toujours hyper rouge. J'aime pas quand elles font, qu'elles se mettent en troupeau et qu'elles rient. Pff, c'est vraiment trop nul les filles. Et c'est vraiment trop nul le Sport. Tout est vraiment trop nul aujourd'hui...

C'est pas si désagréable que ça en fait de courir... Ça faisait longtemps et même si je peux clairement pas dire que ça m'avait manqué, ben euh... ouais ! C'est pas si désagréable. L'air est doux, le soleil pas trop violent, le vent fouette mon visage, ça me donne envie de rire. J'enlève ma capuche qui dérange ma course et je m'aperçois que je suis dans le peloton de tête. Ouahouh, j'aurais tellement pas cru ! Bon je suis à la queue du peloton de tête, mais c'est quand même pas si mal. Je dois être dans le top 10, sur trente gugus à peu près. Ouais bon au fond je m'en fous. Faut pas trop que je me fasse remarquer non plus, c'est le premier jour alors bon. Déjà que je suis petit et blond, du coup je fais tâche de base, alors on va faire profil bas. Oulà ! J'ai failli me crêper moi. Concentre-toi, petite tête !


Arrivé dans le virage, je jette un coup d’œil derrière moi. Le tas de filles est encore en train de glousser mais ce n'est plus moi qu'elles regardent. Taaaant mieux. Parce qu'elles sont bien gentilles, mais moi, ça me met mal à l'aise. Elles sont en train de glousser sur un gars, pas loin derrière moi, avec de longs cheveux qui flottent derrière lui. Ah oui, je l'ai vu tout à l'heure, le genre de gars tout le temps à l'aise qui sourit à tout le monde et qui lui n'aurait pas rougi en se faisant regarder. Le genre de type bon en cours, qui fait la fierté de ses parents, avec plein d'amis, qui ne passe pas ses week-ends dans son lit et qui a genre méga trop d'humour. Et en plus, il a des cheveux longs qui brillent comme dans les pubs. Tristesse, moi et mon blond paille sommes jaloux. Il s'intègre et en même temps il brille. Un vrai Héros lui.


Alors que je jette encore un coup d’œil derrière moi pour observer le gars aux cheveux longs, je place mal mon pied, 'fin je sais pas placer mon pied, mais bon on va dire que c'était encore pire que d'habitude, et du coup j'ai la cheville qui part. Je me crêpe sévère en m'explosant le genou puis le menton sur la piste. Complètement sonné, j'ai les yeux qui louchent et la bave qui sort de la bouche. Je sens qu'on me retourne (comme une crêpe) et j'ai le soleil dans les yeux.


« Gné ? »


« Comment tu te sens ? »


Ce doit être le prof vu qu'il a une voix grave, mais je peux pas en être sûr vu que j'ai pas retenu son visage.


« Bobo. »


Le prof retient un rire et je commence à retrouver mes esprits.


« Ouais bobo... Bon okay, toi là, accompagne celui-là à l'infirmerie. Les autres, on reprend la course. »


Qui que de quoi ? J'espère que c'est pas une des filles qui gloussent. En tout cas, vas-y, je suis prêt à être sauvé !

Vous vous rappelez quand j'ai dit que je ne voulais pas me faire remarquer tout à l'heure ? Ben voilà. C'est fait. C'est même bien fait je dirais, avec un certaine sens du style. Alors certes, j'ai mal. J'ai la cheville qui pulse sa mère, le menton douloureux, et les genoux passablement broyés. Mais là où j'ai le plus mal, ben... c'est dans ce petit coin de cerveau où se cache mon amour-propre. Oh, il est jamais vraiment très actif, mais là, pour le coup, il s'en est pris plein dans les chicots.


Encore un peu dans les vapes, je sens que quelqu'un me soulève et me met sur son dos. Quelqu'un de grand, de fort et qui sent fichtrement bon. Je me retrouve la tête sur son épaule et je gémis à moitié parce que forcément, la mise en place est assez douloureuse. Et là, je sens mon nez qui me chatouille. J'ouvre grands les yeux en louchant sur ce que j'ai devant moi. Des beaux cheveux longs, souples, doux et soyeux comme dans les pubs pour shampooing. Je manque de m'étouffer et mon cœur se met à battre à cent à l'heure. C'est le gars trop classe, trop cool, trop tout ce que je voudrais être ! Haaaan ! J'ai l'impression d'être un bébé koala sauvé par ce héros viril et souriant. Une part de moi a envie de frotter ma joue contre ses cheveux en ronronnant. Une autre part a envie de lui demander comment il fait pour être aussi cool. Résultat, c'est la troisième qui gagne : j'éternue.


Ah bah, forcément, les cheveux dans le nez, ça chatouille. Mais non, non, non, c'est pas un éternuement crade avec explosion liquide et tout, nan, nan. C'est une éternuement de lapinou trop cute, hyper aigu, clairement pas masculin et qui me fait monter une fois encore le rouges aux joues.


« Désolé... »


Cette voix pathétique qui sous-entend tellement « prends-moi dans tes bras et réconforte-moi de ce monde de brutes ». Mais nan, atta ! Sora, on se fait pousser une paire et on va faire en sorte d'agir autrement que comme une fillette amoureuse ! Je me racle un peu la gorge.


« Merci de m'accompagner à l'infirmerie. 'Fin de me porter, quoi... Désolé du dérangement. »


Un petit sourire de contentement revient sur mon visage : il sent teeeellement bon...

Je suis pas si mal là en fait. Bon okay, ma cheville me lance de ouf, j'ai mal au menton et aux genoux. Ouais, nan si, j'ai vraiment mal. La situation est quand même pas top. Mais mon sauveur est gentil et doux et beau et fort. Peut-être qu'on va pouvoir devenir ami ? Ce serait génial ! J'aurais un ami et un ami cool en plus ! Moi qui me retrouve toujours avec les gens bizarres.

Et là, je sors de mes pensées parce qu'il éclate de rire et que le rouge me remonte de suite aux joues. En fait non, il n'est pas gentil et il se moque de moi. Au drame, au désespoir ! Je suis de nouveau relégué aux rangs de ceux qu'on choisit toujours en dernier dans les équipes de sport... Je dois le déranger à être sur son dos. Il ne doit plus en pouvoir de moi. Oh, j'ai envie de me rouler en boule dans un coin et mourir !

Et là (deuxième édition), il s'explique ! "Mignon"... Oh. Il a dit que j'étais mignon. Ah. Oh. Ben, euh. Ah...

Hige ?

Hige-kuuuun ! Il est adorable, trop gentil et en plus il me trouve mignon ! Peut-être qu'il va vouloir être mon ami, même si je suis un boulet banal absolu ! Et j'avoue que la situation est assez hum... shojoesque, mais on s'en fout. Hige-kun est parfait. J'ai un petit rire aussi, même si j'ai encore les joues rouges.

"Oui tu as raison. Je suis Sora. Ravi de faire ta connaissance. Enfin surtout la connaissance avec ton dos et tes cheveux mais bref, 'fin voilà quoi, tu m'as compris."

Je regarde autour de nous. Ouais, je vois ce qu'il veut dire. Grand soleil, cerisiers, toussa toussa. Mais c'est pas grave, Hige-kun est gentil et il sent bon. Et j'ai un peu moins l'impression que ça va être une année chelou/weird/relou au possible.

Un groupe de filles nous croise. Nous observe, les yeux beaucoup trop brillants pour qu'elles soient saines d'esprit. On les dépasse et elles se mettent à glousser, papoter genre avec des "Kyaaaa" et des "Kawaii desune" suraigus.

"Hum. Je vois qu'on vient de nourrir leurs fantasmes. Un peu."

Je me retourne et je les vois qui nous regardent encore et je ne résiste pas. Je pose ma tête tendrement sur l'épaule de Hige-kun, avec un petit air satisfait.

"Désolé, je n'ai pas pu résister."

Les "Kyaaa" reprennent de plus belle et ça me fait sourire. Et puis c'est fichtrement pas désagréable. Après tout, Hige-kun sent tellement bon...